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Les associés du Toî du Monde: Thomas Tricault, Chef de cuisine ; Florent Perrin, Président ; Leititia Dyszkiewicz, Directrice Générale
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10 novembre 2020

Tourisme durable : Un Centralien sur le "Toî du Monde"

Du haut de son Toî du Monde, Florent Perrin (ECL93) observe le chemin parcouru. Après 20 ans de carrière comme ingénieur dans le secteur industriel, ce savoyard de naissance a renoué avec ses montagnes et ses racines. Mettant à profit ses connaissances techniques, il a rénové la ferme héritée de sa grand-mère pour en faire un établissement touristique innovant et présentant un bilan neutre en carbone. Une réussite qui démontre qu'il est possible de préserver l’environnement tout en se faisant plaisir.

 

 


Bonjour Florent. Peux-tu nous raconter ton parcours et comment tu es passé d’ingénieur en acoustique à Directeur d’un établissement touristique précurseur en matière énergétique ?
Je suis sorti de Centrale Lyon en 1993 avec un DEA d’acoustique. J’ai débuté ma carrière professionnelle dans ce domaine et la commercialisation de matériels et de logiciels de mesures acoustiques pour les secteurs automobiles, aéronautiques etc. La crise de 2008 a marqué un premier virage dans mon parcours. Je me suis alors lancé dans une démarche plus environnementale, en particulier l’innovation autour des systèmes d’optimisation énergétique des appareils de combustion et le traitement de l’eau sans produits chimiques. Et puis, il y a 4 ans, j’ai hérité de la ferme de ma grand-mère située face au Mont-Blanc du côté de Megève. J’étais alors en pleine réflexion autour de la suite à donner à ma carrière professionnelle et ce projet est venu au bon moment pour m’offrir une nouvelle ligne d’horizon. Je me suis alors intéressé à l’agro-tourisme avec un gros travail de recherche afin d’étudier les différentes solutions techniques qui permettraient d’offrir une seconde vie à ce patrimoine familial qui m’était confié. Je ne voulais pas juste transformer le lieu en gîte-restaurant, je tenais à ce que, comme le faisaient les anciens, il soit auto-suffisant en énergie et si possible avec le minimum d’impact environnemental.

Structure de toiture sans pont thermique avec poutres en I pré-isolées

A ce titre, le projet du Toî du Monde a été pensé comme une vitrine des technologies novatrices en matière d’économie d’énergie…
Quand ce projet est né, je faisais partie du cluster eco-bâtiment à Lyon. C’est un formidable laboratoire d’idées sur les techniques innovantes en matière d’isolation et d’économie d’énergie. J’ai logiquement proposé d’utiliser la ferme familiale comme un lieu d’expérimentation des différentes solutions et techniques novatrices, en vue de créer un établissement avec un impact environnemental nul. Plusieurs bureaux d’études ont accepté de jouer le jeu et m’ont accompagné sur ce projet. Le Toî du Monde est en quelque sorte un showroom de tout ce savoir-faire.


Avant les travaux de rénovation

Après les travaux

La ferme est aujourd’hui entièrement rénovée. Avec du recul, quel fut le plus gros défi technique que tu as dû relever ?
Initialement, le restaurant devait disposer de deux systèmes de ventilation bien distincts. Un pour la cuisine et l’autre pour la partie salle de restauration. Quand j’ai jeté un œil aux premiers plans, j’ai demandé s’il ne serait pas envisageable de créer une ventilation commune qui aspirerait l’air chaud de la cuisine et le restituerait ensuite débarrassée de ses graisses, pour chauffer la partie restaurant. Autant dire que ce fut un sacré chantier, car si l’idée pouvait paraître bonne sur le papier, concrètement peu de personnes l’avaient testée jusque-là. A tel point qu’à peine 6 mois avant l’ouverture au public de l’établissement, le bureau Veritas chargé de vérifier la conformité des installations a refusé d’homologuer le système sous prétexte qu’il n’était pas décrit dans les normes officielles. Nous nous sommes donc retrouvés à devoir présenter son fonctionnement aux pompiers, car eux-seuls pouvaient accorder une dérogation. Heureusement, ils ont rapidement compris les avantages de ce système de récupération d’énergie et ils m’ont donné leur accord en précisant que si ça fonctionnait, d’autres restaurants pourraient s’en équiper et réaliser ainsi d’importantes économies d’énergie.

Comment es-tu parvenu à atteindre l’objectif d’un bilan carbone neutre ?
On fonctionne un peu comme les anciens, avec le soleil, le bois et surtout du bon sens ! Je coupe du bois en lisière de forêt pour alimenter en hiver une chaudière à bois ultra-moderne qui garantit des rendements élevés. Des panneaux solaires thermiques assurent le fonctionnement chauffage et ECS lors des mi-saisons et j’achète en compléments des contrats de fourniture d’électricité verts afin de garantir la neutralité carbone de l’établissement.

Malgré tous ces travaux, tu as souhaité conserver au maximum l’identité et la nature de la ferme familiale. Comment t’y es-tu pris ?
Je trouve que le foncier de montagne perd peu à peu de son âme au gré des envies architecturales des nouveaux propriétaires qui sont rarement de la région. L’idée du Toî du Monde vient aussi du refus de voir l’histoire de la ferme familiale dévoyée par une rénovation déconnectée du patrimoine local. Je me suis bagarré avec les architectes et professionnels du bâtiment pour conserver le maximum d’éléments d’origine. Les murs ont 150 ans. La charpente du restaurant est également d’époque. Tout le vieux bois récupéré notamment du plancher a été réutilisé pour créer le mobilier comme les lits. Cette authenticité n’est pas une mise en scène et je suis convaincu qu’elle participe au bien être des clients lorsqu’ils qui me disent qu’ils se sentent bien ici.

Le Toî du Monde est également connu pour son restaurant qui repose sur le concept de Slow Food. De quoi s’agît-il ?
J’aime l’idée d’être un producteur de lenteur ! Je suis d’ailleurs depuis quelques années dans la mouvance Slow Food qui repose sur le triptyque : bon, propre et juste. Le « bon » est selon moi le plus important car il faut communiquer sur l’idée de plaisir. Propre signifie que nous faisons sur notre petite exploitation de l’agriculture locale et raisonnée, sans forcément chercher le label bio qui peut malheureusement avoir une connotation un peu triste de nos jours, voire même moralisatrice. Enfin, la notion de « juste » se traduit par le choix de privilégier les circuits courts en faisant travailler les producteurs et agriculteurs locaux. On ne veut pas que le fait de venir au Toî du Monde devienne un acte militant. Il faut que cela reste une quête de plaisir !

Le chef Thomas confectionne ses menus en fonction des légumes du potager

En parlant de plaisir, parle-nous du concept d’agri-culture…
L’idée est de proposer des événements culturels dans le milieu agricole. Il existe une vraie demande pour des concerts et je ne parle pas de bal musette ! La partie café-concert du Toî du Monde accueille ainsi régulièrement des événements avec des groupes de musique pop et rock, mais aussi parfois des musiques du monde.

Comment as-tu vécu l’épisode COVID-19 ? La dimension tourisme responsable n’en ressort-elle pas renforcée ?
La crise sanitaire valide effectivement nos choix notamment concernant les circuits-courts et la dimension éco-responsable. Il y a une véritable attente de certains clients, et j’espère que c’est le prélude à une prise de conscience collective, dans le tourisme mais aussi dans les autres actes d’achat. En 2008 déjà, la crise nous a poussé à vouloir repenser le modèle économique. Malheureusement, au niveau politique, il ne s’est pas passé grand-chose. Si l’on peut espérer quelque chose de positif avec la COVID-19, c’est que le changement systémique soit réel cette fois-ci.

Si tu devais tirer des enseignements de cette aventure entrepreneuriale, que mettrais-tu en avant ?
A l’origine, je suis un peu « ours savoyard », avec tous les clichés qui vont avec. Je n’aurais jamais pensé travailler dans le tourisme et l’accueil. Mais j’ai appris dans ma carrière qu’il ne fallait jamais dire jamais. A la sortie de l’ECL, je m’étais promis de ne jamais travailler à Paris et de ne jamais porter de cravate. Ma carrière de commercial m’a fait mentir sur toute la ligne ! Aujourd’hui, je suis au contact quotidien de mes clients, je les accueille, leur sers parfois leur petit-déjeuner, je les conseille sur leurs activités… Et à la fin du séjour, lorsqu’ils viennent me dire merci, ça me touche beaucoup. Donner du bonheur aux gens, ce n’est pas vraiment dans les cours d’école d’ingénieur, mais depuis que c’est mon nouveau ‘métier’, ça veut vraiment dire quelque chose pour moi.

LE TOÎ DU MONDE
Flumet - Savoie Mont Blanc
www.letoidumonde.com

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