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01 juillet 2021

Des ondes radio dans un plasma de Tokamak

Tandis que la réaction au sein du soleil est entretenue uniquement par la chaleur dégagée des réactions de fusion, ITER a besoin d’un apport extérieur d’énergie pour amorcer puis maintenir les réactions de fusion et atteindre les conditions en température (environ 150 millions de degrés) nécessaires pour générer des centaines de MW de puissance. Cet apport extérieur s’effectue en transférant au plasma du tokamak l’énergie provenant soit d’un faisceau de particules neutres, soit d’ondes électromagnétiques. En outre, le transfert d’énergie (on parle de « chauffage ») entraîne aussi la création d’un courant circulant dans le tore de plasma permettant de prolonger la durée des expériences.

Ainsi, les systèmes de chauffage et de génération de courant additionnels d’ITER sont conçus pour fournir 73 MW de puissance au plasma : 33 MW par un faisceau de particules neutres, 20 MW par des ondes à la fréquence de 170 GHz (électron cyclotron) et 20 MW par des ondes radio de fréquence comprise entre 40 et 55 MHz (ion Cyclotron).

Vue d’ITER et de ses systèmes de chauffage et de génération de courant


Alors que le système Electron Cyclotron génère des micro-ondes qui interagissent avec les électrons du plasma, le système Ion Cyclotron, ou ICRH, génère des ondes radiofréquences qui interagissent avec les ions.

Dans la chambre à vide d’ITER, les ions et les électrons sont confinés à l’intérieur d’un puissant champ magnétique généré par un système de bobines supraconductrices placées autour du tore de plasma. Ils se déplacent en s’enroulant autour des lignes de ce champ dans un mouvement giratoire en forme de spirales.

Trajectoire des particules du plasma le long des lignes de champ

La fréquence de giration des ions est appelée fréquence cyclotronique ionique (FCI). L’interaction résonante avec les ions du plasma intervient lorsque la fréquence des 20 MW du système ICRH est égale à la fréquence FCI (ou sa première harmonique). Le mouvement giratoire des ions s’accélère alors et dans le plasma, qui dit plus vite, dit plus fort et plus « chaud ». L’énergie des particules, et donc leur température, suit le carré de leur vitesse.

Le système ICRH d’ITER

Avant d’atteindre leur cible, les ondes radios vont être générées, transportées, rayonnées et surtout, contrôlées. Ainsi, le système est constitué de :

    • 18 alimentations haute tension (HT) qui fournissent une tension continue,
    • 9 sources de puissance qui la transforment en puissance Radio Fréquence (RF),
    • des lignes de transmission coaxiales qui transportent les ondes vers les antennes,
    • des éléments d’accord d’impédance entre les antennes et les sources,
    • 2 antennes qui couplent la puissance RF au plasma,
    • un système de contrôle commande relié au pilotage global de la machine.

Vue du système ICRH d’ITER


Les générateurs fournissant 20 MW de puissance prennent beaucoup de place. Tout est gigantesque sur ITER. Le système est réparti sur 3 bâtiments. Le bâtiment RF est en cours de finition et abritera les alimentations HT et les sources RF. Au premier niveau, 18 transformateurs de 10 tonnes chacun occuperont la place. Au troisième étage, chacune des 9 sources capables de générer 3 MW de puissance RF pèseront 18 tonnes repartis dans un volume de 162 m3.

Après avoir parcouru plus de 100 mètres, en traversant notamment le hall d’assemblage, les lignes de transmission se connecteront aux antennes insérées dans la machine par l’intermédiaire de « port ». Chaque antenne pèsera 50 tonnes et mesurera près de 4 mètres de long.

Chaque élément du système aussi impressionnant soit-il par sa taille l’est encore plus par les technologies de fabrication qu’il met en œuvre. Les matériaux doivent être à la fois compatibles avec les contraintes mécaniques, thermiques, le bombardement des neutrons et photons et les pertes hyperfréquences. Les boucles de courant rayonnantes de l’antenne sont fabriquées grâce à des imprimantes 3D industrielles - impossible de façonner les pièces et leurs circuits de refroidissement complexes par des procédés de forgeage classique ! Les sources de puissance abritent des tubes à grille et des éléments d’accord dont la mise au point et les tests associés ont requis des années d’efforts. 

L’antenne du système ICRH d’ITER et un de ses composant fabriqué par impression 3D


Qui dit « ITER » dit « international » et notre système n’échappe pas à la règle. Les alimentations et les sources sont fournies par l’Inde, les lignes par les Etats-Unis, les antennes par l’Europe. Les équipes travaillent autour d’un planning commun avec un objectif de mise à disposition pour l’opération sur ITER en 2032. Ces temps très longs sont nécessaires pour développer les designs, passer les contrats avec les industriels du monde entier, fabriquer les composants, les mettre en place dans les bâtiments et les tester.

Il faut du temps aussi bien sûr pour former les équipes qui opèreront le système. Les agents d’ITER ayant au préalable exploité une machine de fusion doivent transmettre cette expérience à la nouvelle génération d’opérateurs : on parle de pilote (comme en Formule 1 !). La participation des membres de l’équipe ICRH d’ITER à la prochaine campagne d’exploitation de WEST est prévue pour cet été. Des bancs de test en puissance ont également été développés pour mettre en œuvre concrètement les systèmes de contrôle commande et de mesure de la puissance RF. Tout est fait pour être prêt en 2024 à recevoir les premiers éléments du système final qui devront être assemblés sur site à Cadarache !

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