

Cartographie des Arêtes de poisson de Lyon : des étudiants de l’ECL aux côtés du Service archéologique de la ville
Ces dernières années, le développement des outils numériques a accéléré le rapprochement entre archéologues et ingénieurs dans leur quête de vérités, historiques pour les uns et scientifiques pour les autres. La collaboration initiée en 2020 entre Centrale Lyon et le Service Archéologique de la Ville de Lyon autour de la numérisation et la modélisation des Arêtes de Lyon en est le parfait exemple. À l’initiative de Catherine Giraud-Mainand Coordinatrice Chaire Recyclage & Économie Circulaire à l’École Centrale de Lyon, ce partenariat a notamment permis à plusieurs étudiants de l’École de réfléchir en marge des matières habituellement enseignées et de développer leur regard critique supporté par des données scientifiques.
Ce que l’on sait des Arêtes de Poissons de Lyon
Les arêtes de poissons se présentent sous la forme de galeries souterraines d’environ 2 km de long, creusées dans la colline de la Croix Rousse. La première mention des arêtes de poisson apparaît au XVIIème siècle suite au creusement de la galerie d’alimentation de la fontaine de l’Hôtel de Ville. Cette galerie fut connectée au réseau des arêtes de poissons, ce qui nous fournit un terminus ante quem : les arêtes de poisson sont nécessairement antérieures à la galerie de captage.
Il est avéré depuis l’aménagement du clos Bodin en 1826 que les chantiers urbains qui suivirent tombèrent parfois sur de nouvelles galeries, sans que personne ne s’intéresse de près à cet étrange réseau.
Il faut attendre 1959 et des travaux de voirie effectués dans le 1er arrondissement lyonnais pour que les arêtes de poisson refassent de nouveau surface. Façon de parler évidemment, puisque c’est un puit vertigineux ouvrant, 34 mètres plus bas, sur environ deux kilomètres de galeries, qui est mis à jour. On s’interroge un peu et on s’inquiète beaucoup, notamment sur les risques d’effondrements, qui décident finalement les autorités de la ville à bétonner certains passages pour en consolider la structure.
Une chose, pourtant, ne risque pas de disparaître : ce sont les hypothèses sur l’origine et la fonction des arêtes de poisson, source de nombreux fantasmes.
Et si des campagnes d’investigation eurent lieu dans la deuxième moitié du XXème siècle, ce n’est qu’en 2013 qu’un nouvel élément vient enfin éclairer le mystère autour des lieux. Une campagne de datation pilotée par le Service Archéologique de la Ville de Lyon révèle que les débris de coffrage et les charbons de bois retrouvés dans la maçonnerie dateraient de l’époque augustéenne, vers le IIème siècle de notre ère. Une lumière au bout du tunnel qui va guider les recherches entreprises depuis, notamment via un long procédé de numérisation et de modélisation auquel participe Centrale Lyon via plusieurs projets d’élève initiés en 2020.
Géolocalisation des Arêtes de Poisson à Lyon
Ce qu’il reste à découvrir
L’absence de trace écrite quant à leurs histoires, leur forme équivoque à l’origine de leur nom, leur statut de réseau de galeries urbaines uniques au monde... les arêtes de poisson ont tout pour entretenir mystères et légendes autour de leurs origines et de leurs usages au travers des siècles. Comme l’imagination a horreur du vide, les fantasmes ne manquent pas, avec en tête d’affiche le fameux trésor des Templiers qui auraient été caché quelque part dans ce dédale par des Croisés revenus chargés de leur pérégrinations en terre saintes.
On parle également de tunnels secrets reliés à l’éphémère citadelle Saint-Jean. Évidemment, les Franc-maçons sont régulièrement cités… Une chose est sûre : il y a ici suffisamment d’inconnues pour faire de ce réseau de galeries, un terrain de jeu et d’études pour des esprits cartésiens !
Aperçu des structures des galeries
Les objectifs de la collaboration entre la ville de Lyon et les étudiants de l’École Centrale de Lyon
Le Service Archéologique de la Ville de Lyon (SAVL) s’est lancé depuis quelques années dans un important travail de cartographie des arêtes de poisson.
L’étape de numérisation de ces galeries a débuté en janvier 2020, en collaboration avec le cabinet de géomètres experts Operandi. Ce sont ces données que les étudiants de Centrale Lyon ont utilisées pour initier la modélisation numérique d’une première partie du site. Ils sont accompagnés par :
- Catherine Giraud-Mainand, Coordinatrice Chaire Recyclage & Économie Circulaire à l'École Centrale de Lyon,
- Bertrand Houx, Professeur agrégé en sciences industrielles et ingénierie mécanique,
- Hervé Tronchère, Géomaticien, Géomorphologue à la Ville de Lyon,
- René Chalon (ECL 1987), Maître de conférences en informatique.
L'objectif est d’aider à déterminer la fonction du lieu et de replacer les galeries dans leur contexte géographique et historique. Le calcul précis du volume disponible dans l’ensemble du réseau devait ainsi participer à confirmer ou non l’hypothèse d’une utilisation des galeries comme espace de stockage. Le Projet d’Études comportait également un rôle de médiation au travers de la production d’une visite virtuelle pour compenser l’inaccessibilité des galeries au grand public.
Initialisation de l'étape de reconstruction surfacique de Poisson sous MeshLab
Procédés et techniques utilisés lors des Projets d’Études
Sur le papier, le travail confié aux étudiants de ces Projets d'Études consistait, dans un premier temps, à transformer des nuages de points obtenus par numérisation lasergrammétrique du réseau, afin de fournir un modèle 3D suffisamment précis pour permettre des traitements postérieurs. La réalisation de ce modèle sophistiqué devait déboucher sur une dégradation du maillage employé, de sorte à produire une visite virtuelle à destination du grand public, utilisant des relevés photogrammétriques fournis par le SAVL.
Les premiers essais sur des zones limitées de la galerie montrèrent que la photogrammétrie offrait une qualité de maillage similaire à la lasergrammétrie en un temps de traitement bien inférieur. En effet, le traitement de ces points a rapidement révélé des difficultés liées à la puissance de calcul des ordinateurs mis à disposition par l’École et à des capacités de stockage de données inadaptées. Le télétravail et l’accès à distance aux PC ne faisant qu’accentuer les temps de traitement.
Modélisation haute définition en couleur
Résultats et perspectives
Malgré des conditions de travail particulières liées à la situation sanitaire, plusieurs tronçons de galerie ont été modélisés grâce à Hervé Tronchère, qui s’est particulièrement investi dans ce projet, malgré le confinement, et est venu en aide à Gloria.
Surtout, ces Projets d'Études ont permis de mettre en place une méthodologie de travail éprouvée. Des notices de procédures et les méthodes à privilégier en fonction des différents logiciels 3D serviront comme support aux futurs projets de modélisation à Centrale Lyon comme ailleurs. La collaboration entre archéologues et ingénieurs ne fait sans doute que commencer.
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