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Guillaume Catella
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26 octobre 2018

Paroles d'entrepreneur : rencontre avec Guillaume Catella

Guillaume Catella (Centrale Lyon 2008) est le fondateur et PDG de Creatella, une Venture Builder qui accompagne les start-ups en leur apportant les équipes de développement, marketing digital, conseil, et accès au financement. Installé à Singapour, il nous raconte dans le détail son expérience d'entrepreneur expatrié.


Bonjour Guillaume. Tu es installé à Singapour où tu as créé ta société Creatella. Peux-tu rapidement nous présenter son activité ?
Creatella est une venture builder, c’est-à-dire une structure qui accompagne les entrepreneurs et les start-ups au cours de leur lancement, développement et croissance sur le long terme. L’idée est d’apporter aussi bien les capacités d’exécution, depuis le CTO, les équipes de développement, jusqu’aux designers... qu’en conseils stratégiques et tout ce qui touche au marketing digital. Creatella est composée de multiples talents factorisés qui vont devenir l’interlocuteur privilégié des fondateurs quand ces derniers ont besoin de leur expertise.

Comment t’es-venue l’idée de développer cette offre ?
J’ai travaillé avec 4, 5 agences par le passé notamment quand j’étais CTO de la start-up Singapourienne SeeChic. A l’époque, j’externalisais tous les développements auprès de 3 agences différentes. C’est clairement le pire setup qui existe pour une start-up tech qui s’inscrit dans une démarche de création de valeur à long terme, là où les agences vont par nature devoir maximiser leurs profits sur le court terme. Fonctionner en silos est forcément compliqué en termes de communication. L’idéal pour les start-ups est d’avoir à disposition une équipe à la fois alignée, intégrée et flexible. Creatella propose cette solution de création et de partenariat long terme avec la possibilité de s’adapter et customiser notre travail pour chaque start-up quand c’est nécessaire.

Notre hypothèse chez Creatella s’appuie sur la conviction que la réussite d’une start-up dépend de la qualité d’exécution et donc du travail de l’ensemble de son équipe... soit l’opposé de la Silicon Valley bâtie sur le mythe du fondateur.

A quel moment as-tu décidé de te lancer ?
Creatella est très inspirée de la dernière start-up pour laquelle j’ai bossé au Japon. On avait une équipe de 200 personnes avec pour objectif de lancer chaque année 4 à 5 nouvelles plateformes ou jeux vidéo mobiles et d’en faire des start-up à succès. Si le projet devenait prometteur, on décidait d’investir davantage pour lui donner les moyens de se développer. Dans le cas contraire, on arrêtait le plus vite possible l’hémorragie. Je me souviens que l’idée m’avait à l’époque fasciné de travailler avec une équipe de talents spécialisés qui intervenaient sur plusieurs projets selon les besoins. Notre hypothèse chez Creatella s’appuie sur cette conviction que la réussite d’une start-up dépend de la qualité d’exécution et donc du travail de l’ensemble de son équipe. C’est l’opposé de la Silicon Valley qui fonctionne sur le mythe du fondateur, le fantasme d’une seule et unique personne derrière toute réussite. En réalité, c’est rarement le cas.

Tu as longtemps travaillé au Japon. Aujourd’hui à Singapour. Pourquoi ce choix de te lancer en Asie plutôt qu’en France ?
Je suis arrivé au Japon dès ma deuxième année à Centrale Lyon dans le cadre d’un double diplôme. L’avantage de lancer une entreprise tech en Asie repose à la fois sur le dynamisme économique et le fait que le modèle des Venture Builders soit déjà bien implanté, ce qui était loin d’être le cas, il y a encore quelques années en France. Heureusement, les choses sont en train de changer dans l’hexagone. L’écosystème a évolué et est plus favorable à l’innovation au travers notamment de la valorisation de la démarche qualité. Ça nous a permis d’exporter notre savoir-faire en France et d’y réaliser l’année dernière la moitié de notre CA.

A quand remonte ton envie de créer ton entreprise ?
Dès ma première année à Centrale Lyon, je voulais devenir entrepreneur, mais je manquais de tout : d’idées, de confiance en moi, de méthodologie et expérience… Il m’a fallu beaucoup de temps avant de lancer ma startup à plein temps. Mon MBA à l’INSEAD m’a aidé à franchir le cap, et a été instrumental dans l'accélération de Creatella, même si le chemin optimal dans l'entrepreneuriat va vraiment dépendre de chacun.

Centrale a provoqué une réaction en chaîne positive chez moi. Elle m’a ouvert les portes du Japon, m’a forcé à me remettre en question, à me challenger. 

Centrale Lyon prépare-t-elle selon toi les élèves à devenir entrepreneurs ?
Ça apporte les bases. Centrale a provoqué une réaction en chaîne positive chez moi. Elle m’a ouvert les portes du Japon, m’a forcé à me remettre en question, à me challenger. Faire partie de clubs au sein de l’école m’a également permis de me confronter à la prise d’initiatives, au fait de leader des projets. Après, je pense que la meilleure préparation est de travailler dans des sociétés et start-ups avant de se créer son entreprise, le temps d’acquérir les bons réflexes techniques, commerciaux, expérience en leadership, et de développer une expertise dans une certaine industrie.

Quelle est la réussite dont tu es le plus fier ?
D’avoir créé 30 emplois avec Creatella. J’ai eu la chance de trouver des talents incroyables aux quatre coins du monde. On a des employés au Canada, au Ghana, à Londres, en Chine etc. avec lesquels je travaille quotidiennement à distance. Cette décentralisation offre beaucoup d’avantages en termes d’efficacité, de productivité et aussi de liberté, une notion importante pour les milléniums.

La décision la plus difficile ?
D’avoir quitté mon "pays d’adoption", le Japon après y avoir vécu 7 ans ! J’ai laissé une partie de ma vie, mon boulot, mes amis, ma partenaire de l’époque, pour venir m’installer à Singapour, avec juste le début d’une idée de business. C’était une prise de risque salvatrice. D’ailleurs, je suis convaincu que les disruptions font souvent les carrières.

Ton plus gros moment de doute ?
6 mois après avoir lancé Creatella, mon co-fondateur décide de quitter l’aventure après avoir eu son deuxième enfant. Au même moment, le premier projet de start-up qu’on lançait est tombé à l’eau… Il ne restait alors que quelques mois de cashflow devant moi. J’avais à la fois peur de devoir retravailler pour un patron, et en même temps, ce fut une période de créativité et d’émulation absolument incroyable, avec la sensation que tout était possible et que c’était le moment ou jamais d’exprimer ma vision personnelle.

Un moment d’euphorie ?
Plus tard quand on a pu créer les premiers emplois après un an à bosser sans salaire. J’ai enfin eu la confirmation que le service proposé à nos clients générait suffisamment de valeur pour eux, pour qu’ils acceptent d’en restituer une partie suffisante pour qu’on puisse embaucher. Être capable d’offrir une disruption pour nos clients, leurs utilisateurs, mais aussi nos équipes, c’est forcément grisant.

Une grande partie du succès d'un entrepreneur dépend de sa capacité à inspirer par sa vision, à attirer et motiver les meilleurs talents et partenaires.

Quels sont les talents que tu as développés et que tu ne pensais pas avoir ?
La capacité à motiver une équipe. Après une longue période au japon, j’étais devenu très introverti. On dit là-bas qu’il faut marteler le clou qui dépasse ! Les Japonais n’aiment pas se mettre en avant, avec le risque inconsciemment de rentrer dans le rang et de s’inscrire dans une certaine routine. Heureusement, la plupart du temps il suffit de se lancer et de faire le premier pas ou "leap of faith" pour que, petit à petit, un cercle vertueux se crée. Les premiers succès favorisent la confiance en soi, qui elle-même aide à être convaincu et convaincant. Une grande partie du succès d'un entrepreneur dépend de sa capacité à inspirer par sa vision, à attirer et motiver les meilleurs talents et partenaires, les fédérant autour d'une vision ambitieuse qui les passionnera et leur permettra de se dépasser.

Peux-tu nous décrire à quoi ressemble une journée type ?
Je me lève assez tard du fait que je vis et travaille à Singapour située plus à l’est de là où se trouvent nos partenaires fondateurs et notre équipe. Je commence mes journées avec 6 à 8 heures de meetings et appels pour faire le point avec mes équipes, passer en revue les projets, jouer mon rôle de conseil pour nos fondateurs, et nouer des partenariats… Après je fais un break de 3 heures environ avant de m’atteler cette fois à toutes les communications et la créa, pendant 6 à 8h également. J’adore toute ce qui touche au design, à la conception. J’en profite également pour prendre du recul sur les différents projets afin d’anticiper les éventuels problèmes qu’on ne voit pas toujours arriver quand on garde la tête dans le guidon. J’ai vu tellement de start-ups s’enliser dans du management de crise, que je fais tout pour éviter ce genre situation.

On travaille sur un fond d'investissement associé au Venture Builder qui va nous permettre de créer un écosystème de création de start-ups extrêmement solide et cohérent, pour pouvoir à la fois co-créer des startups mais également investir.

Comment envisages-tu la suite pour Creatella?
On travaille sur un fond d'investissement associé au Venture Builder qui va nous permettre de créer un écosystème de création de start-ups extrêmement solide et cohérent, pour pouvoir à la fois co-créer des startups mais également investir dans celles-ci. En parallèle, on commence à se lancer aux États-Unis. Si tout va bien, on devrait y mettre un premier pied d’ici la fin de l’année.

Pour aller plus loin : createl.la et email : guillaume@createl.la 

Auteur

Guillaume Catella (Centrale Lyon 2008, INSEAD MBA 2015) est le fondateur et PDG de Creatella, Venture Builder. A travers son rôle et aux côtés de son équipe, il a supporté 30 startups et entrepreneurs en leur apportant les équipes de développement, marketing digital, conseil, et accès au financement. Bénéficiant d’une croissance rapide, Creatella emploie 30 talents à travers le monde, et a étendu ses opérations de Singapour à Paris et New York. Voir l'autre publication de l'auteur

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