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Parmohamed Hassan de Pixabay
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16 avril 2019

Le B.A. BA pour réussir sa levée de fonds

Le B.A. BA pour réussir sa levée de fonds ! Comment s'y préparer ? Qu'attendent vraiment les investisseurs ? Comment les séduire ? Que se passe t-il après... Suivez le guide.  


La réussite d’une levée de fonds fait souvent rêver les entrepreneurs et les annonces de montants records dans les médias véhiculent toutes sortes de mythes. Cependant, pour qu’une levée de fonds se termine sur un succès, mieux vaut arriver préparé dans l'aventure. Camille Le Roux Larsabal (ECL2012) en charge de l’investissement dans les startups chez Aquiti Gestion, a accepté de partager ses conseils pour aborder au mieux cette étape (parfois) cruciale de la vie d'une entreprise.

 

1. Pourquoi une levée de fonds ?

Une levée de fonds est un apport en fonds propres qui permet de garantir une source de financement long terme, adapté à tous types d’entreprises :

   a/ Pour les start-up : 

  • Financement du programme R&D, des recrutements, de l’industrialisation du produit, du plan marketing.

   b/ Pour les PME plus matures, financement de :

  • La croissance organique : accélération commerciale, phase de recrutement, financement de BFR de croissance, internationalisation, diversification …
  • Une croissance externe : acquisition d’un concurrent sur le cœur de métier ou intégration amont ou aval de la chaîne de valeur.
  • Une phase de reprise / transmission par un salarié clé, un actionnaire minoritaire, un repreneur extérieur, un membre de la famille du dirigeant.

Le renforcement des fonds propres par une levée de fonds permet généralement d'obtenir un effet de levier sur les financements publics (subventions et avances remboursables octroyés principalement par la BPI et les Conseils Régionaux) et les emprunts bancaires qui financent principalement des actifs matériels (machines, immobilier).

Au-delà de l’amélioration de la trésorerie, le renforcement des fonds propres et la présence d’investisseurs au capital, permet aussi de présenter une image positive et rassurante vis-à-vis des partenaires (banques, fournisseurs, clients, …).


2. Pour quels types de projets une levée de fonds est-elle adaptée ?

La levée de fonds n’est absolument pas un passage obligé et beaucoup d’entreprises se développent sans, pour plusieurs raisons :

• Les dirigeants ne souhaitent pas céder des parts de capital.
• Les dirigeants considèrent que le processus est trop long et trop complexe et préfèrent consacrer leur temps et leur énergie au développement de leur chiffre d’affaires.
• La société peut bénéficier d’autres leviers de financement.
• Le modèle économique et le plan de développement envisagé par les dirigeants ne requièrent pas d’apports financiers extérieurs.

Non seulement toutes les entreprises ne lèvent pas des fonds (et certaines s’en sortent d’ailleurs mieux sans !), mais surtout la levée de fonds auprès d’investisseurs n’est pas toujours le mode de financement le plus adapté à l’activité, au modèle économique ou au stade de maturité.

Il faut bien être conscient que lever des fonds n’est qu’un moyen pour atteindre ses ambitions et il faut vraiment envisager une levée de fonds pour que la société passe un cap dans son projet de développement et pas seulement pour avoir de beaux articles de presse.

Même si chaque investisseur a sa propre grille d’analyse pour décider de ses investissements, quelques points sont communs à tous :

• Des actifs solides (des brevets, des procédés de fabrication, un parc de clients, …)
• Un fort potentiel de croissance validé par une traction du marché dynamique.
• Une équipe compétente qui soit capable d’exécuter le plan de développement.

3. Quel est le modèle économique d’un investisseur ?

Le modèle économique des investisseurs est de parier sur des entreprises à potentiel en achetant des actions et en les revendant quelques années plus tard après avoir matérialisé une plus-value. Un fonds d’investissement investit au capital des sociétés et il devient donc actionnaire de manière minoritaire au côté des dirigeants. Les dirigeants et les investisseurs partagent la prise de risque et ont par conséquent une volonté de création de valeur commune.

Il faut bien garder en mémoire qu’un fonds d’investissement possède des actionnaires qui lui ont confié des liquidités afin qu’il les fasse fructifier. Un fonds d’investissement a donc des impératifs de reporting très contraignants auprès de ses actionnaires : les investisseurs doivent donc justifier de manière approfondie leurs choix d’investissement et ils doivent suivre très précisément l’évolution de la valeur de ces derniers, donc l’évolution de la société. Ce site vous permet si vous le souhaitez de vous mettre dans la peau d’un investisseur. 

Notez au passage que le modèle économique d’un investisseur est très différent de celui d’un banquier. A la différence d’un prêt bancaire, pour lequel l’entreprise rembourse tous les mois (ou tous les ans) une partie du capital emprunté auquel s’ajoutent les intérêts, l’investisseur décaisse à un instant T et ne récupère généralement aucun flux (hormis quelques dividendes si la société peut se le permettre, ce qui est rarement le cas des startups) avant d’avoir revendu ses actions.

 

4. Comment bien se préparer pour réaliser une levée de fonds ?

  • Le premier conseil est de bien se renseigner pour comprendre quel est le modèle des investisseurs et quels sont leurs impératifs. Au-delà de la compréhension du métier de votre interlocuteur, il est nécessaire de se documenter sur la philosophie d’investissement de la structure que vous contactez. Chaque fond d’investissement a ses spécificités d’intervention : zone géographique, stade de maturité, modèle économique, secteur…

  • Avoir conscience du timing : prévoyez 6 à 9 mois entre la première prise de contact et le versement. Il faut donc prévoir la trésorerie en conséquence. Qui plus est, avoir une trésorerie courte pendant cette période rend la négociation plus difficile.

  • Avoir établi un projet clair, notamment en ce qui concerne l’état d’avancement de la société à date, la stratégie de développement et les moyens nécessaires pour y parvenir. Il faut avoir construit un prévisionnel financier ambitieux mais avant tout réalisable et avoir une vision chiffrée du besoin de financement assorti d’éventuelles pistes de financement non dilutif (emprunts, subventions).

  • Se renseigner sur les process et les documents à préparer en vu du marathon à venir. En général, il faut prévoir plusieurs rendez-vous d’étude du dossier et un ou plusieurs comités de décision. Il vaut mieux avoir préparé en amont une documentation fournie à disposition pour avoir réponse à toutes les interrogations des investisseurs (technique, finance, marché et concurrence, process, équipe, …), tout en n’assommant pas les investisseurs dès le premier rendez-vous.

 

5. Comment séduire les investisseurs ?

De mon point de vue, il y a un seul mot d’ordre : LA TRANSPARENCE. La relation avec l’investisseur se construit dès le 1e pitch et la réussite d’un tandem investisseur / entrepreneur étant basé sur un rapport de confiance mutuelle, il est indispensable d’être honnête dès le début, ce qui évite que l’investisseur renonce suite à la phase d’audits ou que la relation post-investissement soit tendue.

Pour cela, il est nécessaire de :

  • Avoir bien appréhendé tous les risques, qu’ils soient internes ou externes, afin de construire une feuille de route qui soit réalisable.

  • Connaitre ses concurrents : il est inutile de les cacher et il faut justement les connaitre sur le bout des doigts afin d’identifier les points de différenciation.

  • Présenter ses clients, ses partenaires, voire ses salariés : Si le produit apporte vraiment un plus, ils seront les meilleurs ambassadeurs !

  • Construire un Business Plan crédible : Bien entendu, il faut que le business model démontre le potentiel de rentabilité. Mais il faut aussi que les hypothèses de chiffre d’affaires soient factuelles, tangibles et vraisemblables par rapport à la taille du marché et que le plan de charges soit adapté à la croissance. Il s’agit donc de trouver le juste équilibre entre un BP qui fait rêver et un plan de développement crédible.

 

6. Quelle sera la relation avec les investisseurs une fois la levée de fonds finalisée ?

Une fois que les investisseurs ont tout validé, que la documentation juridique est signée et que les versements sont effectués, les dirigeants pensent souvent que le marathon est terminé. Mais il s’agit juste du changement d’équipement avant la suite du triathlon. Vos investisseurs attendent maintenant des dirigeants qu’ils exécutent le plan qu’ils ont vendu.

Il est donc urgent de mettre en place le plan d’actions, de recruter les personnes clés et d’aller signer les prospects. Non seulement, il est nécessaire d’atteindre ses objectifs en termes de chiffre d’affaires, mais il est aussi important de maîtriser les dépenses dans le but de démontrer ses capacités d’exécution pour les tours à venir et d’éviter de se retrouver en manque de trésorerie plus tôt que prévu. Même si bien entendu, tout le monde a conscience qu’il y a peu de chances que le BP soit respecté à la lettre, la relation avec l’investisseur est bien plus facile lorsque, 2-3 ans après l’investissement, les objectifs ont été tenus dans les grandes lignes.

Maintenant que les dirigeants et les investisseurs sont "dans le même bateau" avec un même objectif final, une relation de confiance doit se mettre en place. Au-delà d’un reporting d’activité et de boards réguliers qui permettent au dirigeant de prendre du recul et de piloter la stratégie, l’investisseur apporte aussi des conseils et du réseau. Le point principal est de maintenir la relation de confiance établie pour pouvoir, non seulement fêter ensemble les bonnes nouvelles, mais aussi être soutenu en cas de coup dur.

Auteur

Après avoir fait un double cursus Ecole Centrale de Lyon / EM Lyon Business School, Camille a travaillé chez Bpifrance dans le financement de l’innovation. 
Depuis plus de 7 ans, elle est en charge de l’investissement dans les start-ups chez Aquiti Gestion, investisseur régional de référence en Nouvelle-Aquitaine, qui gère plus de 200 M€ et a déjà financé plus de 500 entreprises.

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