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09 février 2022

Lionel SANCHO (ECL 1986) et le choix de l’expatriation en Chine à 50 ans

Depuis 2002, Lionel SANCHO (ECL 1986) travaille pour la société Erasteel filiale d’Eramet, groupe français reconnu pour son activité d’extraction et de valorisation de métaux (manganèse, nickel, sables minéralisés), mais aussi l’élaboration et la transformation d’alliages à forte valeur ajoutée (aciers rapides, aciers à hautes performances, superalliages, alliages d’aluminium ou de titane). Le Groupe accompagne également la transition énergétique sur des activités à fort potentiel de croissance, telles que le lithium et le recyclage.  Lorsqu’à 50 ans, l’entreprise lui propose de partir travailler en Chine, il y voit un nouveau départ, géographique et humain, dans un pays dont il ignore alors presque tout et qui ne va cesser de le surprendre. Un peu plus de 10 ans plus tard, à l’heure du retour annoncé en France, Lionel Sancho nous raconte de l’intérieur, cette Chine aux multiples facettes, qui n’a pas fini de faire tourner les têtes.


Plus d’une décennie en Chine

Diplômé de Centrale Lyon en 1986, et de l’IAE en 1998, et après plusieurs postes de direction d’usine, tous basés en France, je rejoins en 2002 la société Erasteel, spécialiste de l’élaboration d’aciers rapides. Quatre ans plus tard, la société décide de construire un nouveau site de production en Chine, projet pour lequel je suis choisi pour assurer la direction technique. Les années passent et de nouvelles opportunités et responsabilités se présentent à moi.

En 2011 je deviens directeur général de la filiale basée à Tianjin. Ma femme et notre fils me rejoignent quelques mois plus tard. Nous habitions Pékin et je parcours chaque semaine les 150km qui me séparent de l’usine.  En 2014, je prends la responsabilité d’un second site basé à Wuxi (100 km au nord de Shanghai à 1200 km de Tianjin). Les kilomètres et mes journées s’allongent. Jusqu’à ce que l’usine ferme en 2020, toute l’activité se retrouve alors concentrée sur Tianjin, apportant ainsi une plus grande simplification en termes de management quotidien.

Avec le recul qu’offre les années, l’expatriation fut pour moi une opportunité, tant à titre professionnel (avoir la chance de développer une société que l’on a créée) qu’à titre familial. Partir en expatriation à l’âge de 50 ans fut en effet une véritable chance en termes de rupture des habitudes, et d’opportunité de découvrir une nouvelle culture.

Mais la réussite de ce projet n’aurait pu être possible sans ces deux éléments qui me semblent  essentiels à souligner :

  • L’expatriation est une affaire de famille et non l’exclusivité de celui qui est muté. Cela va impacter toute la famille (conjoint, ascendants et descendants) et mieux vaut l’anticiper,
  • Avant de partir il faut acquérir un minimum de connaissance sur le pays, sur les modes de management, sur la culture. Il faut absolument éviter de blesser ses collaborateurs dès sa prise de poste.

La Chine : une terre d’opportunités...

En France (appeler fa guo « pays de la méthode » par les Chinois), on aime planifier, anticiper, évaluer diverses options, réfléchir, prendre le temps avant de décider. Un processus prudent qui  parfois peuvent décaler les investissements qui arrivent alors trop tard par rapport aux besoins du marché.

Lors de ma prise de fonction, j’avais monté deux projets assez similaires l’un pour le site français que je dirigeais et un pour l’entité chinoise. Dans les deux projets il y avait d’une part du bâtiment et d’autre part des d’équipements industriels. Les deux projets étaient d’un montant similaire, et techniquement de même complexité. Au bout d’un an les équipements en Chine étaient en production, alors qu’en France commençaient les demandes d’autorisation administrative pour le bâtiment… Certes ce n’est là qu’un exemple, mais il est représentatif de ce que j’ai vécu de très nombreuses fois.

...de pragmatisme

Culturellement, tous mes interlocuteurs chinois ont une approche très pragmatique. On évite de lancer des grands investissements trop complexes. Ils vont toujours préférer commencer petit, roder la technique, l’améliorer et ensuite poursuivre les investissements. Pour produire un montant de 100, mieux vaut 5 machines qui produisent 20 et qui ne coûtent pas très cher, plutôt qu’un équipement complexe, unique et qui sera difficile à fiabiliser. Au total cela revient peut-être un peu plus cher, mais le risque est minimisé et cela permet d’autre part un positionnement très rapide sur le marché.

… et de diversité

La Chine est un immense pays. C’est une lapalissade, mais lorsqu’on se déplace on se rend bien compte des 4000 km du nord au sud et les 6000km d’est en ouest. Un seul pays, mais des cultures différentes, une approche des étrangers qui l’est tout autant. Pékin et Shanghai pour ne citer qu’elles, sont deux villes totalement opposées. L’une est la capitale économique, ouverte sur le monde et internationale dans ses gènes. L’autre est la capitale politique tournée sur le monde chinois. Cette différence fondamentale a toujours été perceptible, et a été exacerbée par la pandémie. La lutte contre la covid n’a pas pris la même ampleur dans les deux villes, les restrictions de circulation n’ont pas été appliquées avec la même sévérité et la même pugnacité.

« Il faut protéger Pékin quel qu’en soit le prix », telle est la ligne directrice du Parti donc du gouvernement. A Shanghai bien que non-dit, c’est plutôt « il faut protéger le business ». Deux mondes.



Survivance de la vie traditionnelle à Pékin

 

Chine : une ouverture sur le monde remise en question ?

L’’histoire de la Chine est une régulière alternance entre ces deux réalités. Jusqu’aux années 2015/2016 la Chine était très ouverte sur le monde, dans la ligne de la politique initiée par Deng Xiao Ping dans les années 90. Après l’arrivée au pouvoir de Xi Jing Ping, un virage nationaliste a commencé ; la Chine se referme et se recentre sur la doctrine du parti communiste et son interprétation par le nouveau président. La pandémie n’a fait qu’accélérer ce phénomène : fermeture des frontières, limitation des échanges internationaux, restriction d’accès à l’apprentissage de l’anglais, développement de la peur des étrangers (poussant certains restaurants à interdire leur accès à des non chinois), renforcement des contrôles des investissements chinois hors de Chine, reprise en main de grands groupes (Alibaba par exemple), limitation des déplacements dans le pays et bien entendu hors du pays (la sortie du pays est quasiment interdite aux citoyens chinois ) …

Chaque semaine apporte son lot de nouvelles restrictions ou de nouvelles mesures parfois difficiles à comprendre pour des étrangers.

Mais par instinct de protection, les Chinois subissent sans ciller, de peur de représailles. Très peu acceptent de citer ( et bien entendu critiquer ) ce qui se met en place, car in fine le plus important pour eux est le maintien et le développement de leur confort matériel.

Quel bilan à l’heure du retour en France ?

La Chine est un pays de contrastes abyssaux, tant géographiques qu’humains. En tant qu’étrangers on voit surtout les populations urbanisées, ayant un bon niveau de vie. Mais combien de migrants intérieurs n’ayant comme seul droit que celui de subir, de survivre dans des conditions très difficiles, et de rester éloignés de leur famille et de leurs enfants pendant des années. Il est donc très problématique de dresser un bilan en quelques mots. Ce qui est certain, c’est que ma famille et moi n’avons aucun regret par rapport au choix de cette expatriation. D’ici quelques semaines nous rentrons définitivement en France. Sans doute alors nous prendrons encore plus conscience des avantages et charmes de ce pays.Survivance de la vie traditionnelle à Pékin

Pékin : pollution ou soleil !

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Commentaires

1 Commentaire

Maurice SARDIER (ECL 1964)
Il y a 2 ans

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