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par Borko Manigoda de Pixabay
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29 octobre 2019

Les déchets du bâtiment : quelles solutions pour les réduire ?

Le gaspillage est aujourd’hui pointé du doigt dans beaucoup de secteurs : alimentaire, textile, manufacture, mais le BTP n’a pas encore connu de médiatisation à charge au sujet de ses déchets. Pourtant, c’est bien le plus gros producteur de déchets en France, ce qui devrait le placer au centre de notre attention. Les solutions sont multiples et variées pour réduire ces déchets qui sont bien identifiés aujourd’hui. Cet article s’attardera sur le concept de réemploi, pratique plus vertueuse que le recyclage et peu connue encore.


Le BTP, plus gros producteur de déchets en France

Le BTP, c’est 227 millions de tonnes de déchets chaque année (1), ce qui représente 2/3 des déchets français. Le secteur du bâtiment (sans les travaux publics) représente 1/5ème de ces déchets, avec 42 millions de tonnes, principalement issus de la démolition et du gros-œuvre (31 millions de tonnes) et le reste du second œuvre (11 millions de tonnes).

Il existe des filières de recyclage pour les grandes familles de déchets (par exemple les gravats, le bois, le métal, le plâtre) mais le tri est encore assez peu répandu, surtout lors des phases de second-œuvre où seulement 35 % des déchets sont valorisés, le reste est enfoui. Les gravats, eux, sont un peu plus triés, avec 61 % de valorisation.

Quelles sont les solutions pour réduire ces déchets et augmenter leur taux de valorisation ?

Benne non triée sur un chantier de second-oeuvre , situation trop courante aujourd'hui

Une réglementation qui fixe un cap pour la valorisation

En application à une directive européenne, la France a inscrit dans la Loi pour la Transition Energétique et la Croissance Verte (LTECV) un objectif de 70 % valorisation des déchets du BTP d’ici 2020. Cependant cette loi concerne uniquement la commande publique, qui doit servir d’exemple pour le marché privé.

Cette loi définit également ce que veut dire valorisation et donne une hiérarchisation des modes de valorisation, à savoir :

  1. La prévention, c’est-à-dire éviter les déchets dès la conception (éco-conception) puis dans la préparation du chantier (commandes justes, solutions de kitting, …)
  2. Le réemploi, c’est-à-dire réutiliser les matériaux avant qu’ils n’arrivent dans la benne, sans modification majeure mise à part une remise en état.
  3. Le recyclage, qui consiste à trier les matériaux puis à les transformer à travers des procédés industriels, souvent énergivores, pour recréer de la nouvelle matière.
  4. La valorisation énergétique, en injectant la chaleur produite par l’incinération dans un réseau de chaleur.
  5. Puis l’enfouissement en dernier recours.

Modes prioritaires de valorisation. Source : Zero Waste France

Il est intéressant de noter que la valorisation énergétique n’est pas comptabilisée dans l’objectif de 70% fixé par la LTECV.

Le signal prix, levier à actionner

La LTECV n’étant pas contraignante et ne concernant que les acteurs publics, d’autres leviers sont à actionner pour améliorer le taux de valorisation des déchets du BTP. Le signal prix est un bon levier peu exploité encore.

En effet, il est aujourd’hui moins cher de payer une benne d’un matériau trié qu’une benne de matériaux mélangés (benne DIB, pour Déchet Industriel Banal) mais l’écart n’est pas suffisant pour compenser le coût des rotations supplémentaires de camions-bennes et l’encadrement nécessaire pour surveiller la qualité du tri.

Début 2019, le prix du traitement des déchets enfouis a déjà connu une hausse de 20 %, suite à des restrictions de surfaces d’enfouissement, ce qui s’est répercuté sur le prix payé par les entrepreneurs du bâtiment pour leurs bennes. Cette hausse de prix questionne les acteurs du bâtiment sur leurs pratiques mais n’est pas assez importante pour susciter des changements de comportement.

C’est pourquoi une augmentation de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) est prévue dans le projet de loi des finances 2019 : il s’agit d’une taxe applicable par tonne de déchets enfouis, dont le tarif est fixé annuellement. Il est envisagé que cette taxe passe de 42 €/tonne à 65 €/tonne en 2025 ce qui correspond à une augmentation de 25% du prix actuel d’une tonne de DIB.

L’économie circulaire, guide pour la réduction des déchets

Le levier prix et la LTECV poussent donc à réduire ces déchets et à mieux les valoriser, mais concrètement, quelles solutions opérationnelles sont à notre disposition ? La définition de l’économie circulaire permet d’avoir un panel d’actions à chaque étape à mettre en œuvre.

Le principe de l’économie circulaire est de s’opposer à notre système linéaire où l’on extraie des matériaux pour les transformer en produit que l’on consomme puis que l’on jette. L’économie circulaire propose une boucle fermée où les déchets deviennent les ressources de notre système.

Plus précisément, l’économie circulaire s’appuie sur 7 piliers qui s’appliquent aux différentes étapes du cycle de vie d’un projet :

Schéma de l'économie circulaire. Source : ADEME

1 – Avoir un approvisionnement durable, c’est-à-dire local, avec des ressources renouvelables ou issues du recyclage. C’est le cas de matériaux biosourcés comme le bois ou la paille.

2 – Eco-concevoir, en limitant les déchets en amont. Cela peut être par exemple le fait de livrer des plateaux de bureaux sans moquette. En effet celle-ci est systématiquement changée par les preneurs à leur arrivée et donc jetée à la benne.

3 – Développer l’écologie industrielle et territoriale, c’est-à-dire créer des synergies locales entre les acteurs industriels. Cela peut se faire en utilisant les déchets d’une industrie en tant que matières premières pour une autre, comme par exemple la production de dalles de moquettes à partir de filets de pêches en nylon recyclés.

4 – Développer l’économie de fonctionnalité, c’est-à-dire favoriser les offres de services à la place des offres de consommation de produits. Par exemple dans les protections provisoires de chantier, au lieu de mettre des protections jetables au sol, il est possible de louer des plaques en plastique rigide qui seront ensuite utilisées sur d’autres chantiers.

5 – Consommer de façon responsable, en prenant en compte les externalités négatives de nos produits. Cela peut passer par les choix de produits dont le processus de fabrication est peu énergivore, comme des isolants biosourcés à la place de la laine de verre.

6 – Allonger la durée d’usage, via la réparation, l’achat d’occasion, ou le réemploi. Le réemploi de matériaux dans le BTP en est un exemple. En réemployant des matériaux issus de la déconstruction on réduit les déchets et on limite l’extraction de ressources.

7 – Recycler, tout en priorisant les actions précédentes. Le tri devrait être systématisé aujourd’hui sur les chantiers pour valoriser les matériaux comme le plâtre, qui ne sont pas réemployables tels quels du fait de leur fragilité.


Le réemploi, une solution vertueuse qui se développe

Concentrons-nous à présent sur le réemploi, une des solutions clés de l’économie circulaire, peu connue encore aujourd’hui dans le BTP.

Le réemploi consiste à réutiliser un matériau qui était destiné à la benne, avant que celui-ci ne termine à la déchetterie. Le matériau est réutilisé tel quel ou avec des modifications minimes : c’est en cela que réemploi n’est pas recyclage.

Le réemploi peut avoir lieu pour la même fonction, comme par exemple des dalles de faux-planchers d’un bâtiment de bureaux démoli qui peuvent être réutilisées dans un nouveau bâtiment de bureaux. C’est le cas du bâtiment PULSE à Saint-Denis avec 20 000 m² de faux-plancher réemployé. Le réemploi peut aussi faire preuve de créativité via le détournement, notamment pour des matériaux comme les portes et les fenêtres qui sont de beaux matériaux mais compliqués à réutiliser pour la même fonction compte-tenu des normes pour le coupe-feu ou l’étanchéité à l’air. Les architectes Encore Heureux l’ont montré avec la façade du pavillon de l’économie circulaire à Paris, entièrement réalisée en portes de réemploi.

Faux-plancher réemployé dans le bâtiment PULSE. Source : Mobius


Pavillon circulaire dont la façade est en portes de réemploi. Source : Encore Heureux

Les principaux gisements de matériaux réemployables sont :

  • Les bâtiments démolis, dans lesquels il reste de nombreux matériaux en bon état, notamment dans le tertiaire où parfois les locaux ont été très peu occupés.
  • Les erreurs de commandes et les surplus de chantier, qui faute de temps et de connaissance des débouchés finissent dans les bennes du chantier.

Le gisement est très disparate, ce qui rend le sujet du réemploi très complexe. Plusieurs architectes prônent aujourd’hui la conception à partir des ressources disponibles plutôt que de choisir ses matériaux une fois la conception réalisée. Cette façon d’aborder le projet permettrait de maximiser le réemploi mais remet en question nos pratiques constructives habituelles.

En effet, le réemploi remet en question nos pratiques d’approvisionnement, notre rapport aux déchets produits, avec un impact sur des variables comme le planning ou le budget. Cependant, plusieurs territoires soutiennent cette démarche car elle apporte une autre forme de valeur, plus vertueuse : le réemploi permet de réduire nos consommations de ressources, de relocaliser l’économie en utilisant des matériaux provenant des chantiers proches géographiquement et de créer des nouveaux emplois car la déconstruction sélective puis la remise en état de matériaux nécessite plus de main d’œuvre.

Les freins au réemploi sont encore nombreux (normatifs, assurantiels, culturels) mais les premiers démonstrateurs sont réussis et défrichent le terrain. Leurs retours d’expérience permettent d’avancer plus rapidement et de construire la filière du réemploi pour la rendre plus efficace et plus attractive (2).

 

Un accompagnement opérationnel pour faciliter le réemploi avec Bobi Réemploi

Face au constat que de nombreuses solutions pour faire du réemploi existent mais sont trop disparates et trop éloignées du milieu de la construction, Bobi Réemploi a été créé pour faciliter le réemploi pour les acteurs du bâtiment. L’offre de Bobi Réemploi se base sur deux temps forts du chantier, la démolition et la fin de chantier et consiste à faire l’intermédiaire entre les acteurs du bâtiment qui ont peu de temps à chercher des alternatives et les différentes solutions de réemploi.

Pour la phase de démolition, nous accompagnons les maitres d’ouvrage et maitres d’œuvre depuis la phase de diagnostic (diagnostic déchets et diagnostic ressources (3)) jusqu’à la mise en œuvre concrète du réemploi (écriture des clauses de dépose sélective, recherche de filières re réemploi, suivi du chantier de déconstruction, mise en place de moyens logistiques si nécessaire, remise de bordereaux de suivi des matériaux, reporting global).

Pour la phase de fin de chantier, nous accompagnons les entreprises de travaux afin de réduire le gaspillage qui a lieu à cette étape. Nous mettons en place des moyens opérationnels (manutention, transport) pour garantir une seconde vie aux surplus de matériaux, protections de chantier provisoires, mobiliers de base vie, etc… dans les délais impartis par l’échéance de livraison.

La clé du réemploi étant la connaissance de filières de réemploi dans le tissu local, nous intervenons principalement en région lyonnaise pour la partie opérationnelle, mais nous pouvons apporter notre expertise partout en France.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse mail contact@bobi-reemploi.fr et à visiter notre site : www.bobi-reemploi.fr.

 

Notes et références

(1) Les chiffres de ce paragraphe sont issus du ministère de la transition écologique et d’une étude de l’ADEME. Notez qu’ils datent de 2014 et n’ont pas été remis à jour depuis, ce qui témoigne également d’une difficulté à récolter la donnée.

(2) Un travail de veille sur ces retours d’expériences est réalisé par le site www.materiauxreemploi.com

(3) Le diagnostic portant sur les déchets issus de la démolition est obligatoire à partir de 1000 m² de démolition. Le diagnostic ressources n’est pas encore obligatoire mais la loi économie circulaire qui sera votée fin 2019 prendra probablement cette direction. Le diagnostic ressources complète le diagnostic déchets en étudiant le potentiel de réemploi des matériaux.

 

 

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