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02 octobre 2023

Logistique urbaine décarbonée : A la découverte du Vike, utilitaire électrique, sobre, modulaire et accessible

Pionnier de la mobilité décarbonée, Nicolas Goursot a travaillé 15 ans - depuis le 4eme rapport du GIEC - sur la sobriété des motorisations au sein de STELLANTIS (ex-PSA). Il crée en 2015 le département chaîne de traction électrique qu’il développera jusqu’à la sortie de la première gamme électrique de l’histoire du groupe. En novembre 2022, il fonde uMotion pour appliquer sa vision de la mobilité du futur à la logistique urbaine, incarnée par le projet Vike, utilitaire électrique urbain polyvalent, abordable et sobre, capable de transporter 1 tonne.


Bonjour Nicolas. Quand et comment est né le projet uMotion ?

uMotion a moins d’un an, mais le projet est en réalité bien plus ancien ! C’est l’aboutissement de 20 ans de carrière d’ingénieur moteur dans l’industrie automobile. J’ai travaillé sur différentes technologies avant de fonder et de diriger le département chaînes de tractions électriques de STELLANTIS (ex-PSA), et, aussi sobres soient-elles, toutes étaient au service de la même tendance : créer des véhicules toujours plus gros, plus lourds et plus puissants …

Alors, au moment où l’électrique rebat les cartes, c’est l’occasion de changer de paradigme pour développer un véhicule vraiment sobre, durable et, surtout, accessible. Pour cela il faut un cas d’usage bien précis et il y a un besoin énorme sur la logistique urbaine.

Qu'est-ce qui vous a convaincu de quitter un grand groupe comme Stellantis pour lancer votre startup?

J’avais envie de pousser jusqu’au bout les réflexions développées en tant que chef de projet du concept de véhicule bas carbone et accessible OLI. Au départ très ambitieux, OLI s’est progressivement alourdi, enrichi, banalisé jusqu’à être finalement arrêté. J’ai alors réalisé que même s’ils le voulaient, les grands constructeurs ne pourraient pas créer un véhicule vraiment sobre. Leur transition vers l’électrique repose sur la standardisation et chaque nouvelle plateforme doit répondre à une trop grande diversité d’usages pour être réellement optimisée.

J’avais goûté à l’intrapreneuriat au sein de STELLANTIS, et après 20 ans, c’était le bon moment pour sauter le pas grâce à l’expérience et au réseau développé pendant toutes ces années. Mes convictions personnelles ont également beaucoup joué. Je lis les rapports du GIEC depuis plusieurs années et j’estime, en tant qu’ingénieur, qu’il est nécessaire de s’engager pour créer des solutions techniques à la hauteur du défi climatique : sobres, fiables, durables et écoconçues. Enfin, j’ai constaté que le marché de l’utilitaire manque de solutions face à une pression réglementaire constante (ZFE, interdiction du thermique à la vente). C’était le bon moment.

A quels usages répond le Vike et quels sont les défis techniques qui ont jalonné le projet ?

La philosophie du projet est de repartir du besoin. Personne n’a besoin d’un van de 2 tonnes qui monte à 150 km/h et fait du 0 à 100 en 10 secondes pour livrer des colis ou transporter des outils. Ça consomme des ressources, de l’énergie, c’est dangereux en ville et cher à l’achat.

Le Vike est fait pour remplacer ces VUL en 1 pour 1, avec pour principale différence d’être intégralement conçu pour minimiser toutes les externalités négatives liées à sa fabrication et à son usage tout en étant économiquement très compétitif. Or, ce qui est polluant, lourd et cher, c’est la batterie. Notre approche travaille donc à limiter principalement deux facteurs – la masse et l’accélération – tout en proposant un véhicule capacitaire.

Le défi est ainsi de travailler les rendements partout où c’est possible pour limiter la taille de la batterie en préservant la capacité du véhicule. Les solutions sont multiples. Pour brider le couple, limiter la consommation énergétique au démarrage et la production de particules fines de pneus, nous avons imaginé une chaîne de traction hybride avec un pédalier assisté électriquement qui assure les phases de démarrage. Nous avons passé l’architecture en 48V par soucis d’économie et optimisé les rendements des moteurs électriques. Résultat, le véhicule tourne avec 3 fois moins de batterie qu’un équivalent électrique classique ce qui nous permet une innovation majeure : proposer la 1ère batterie modulaire dans un véhicule utilitaire. Avec 12 modules amovibles à la main, il devient possible d’adapter la taille – donc le prix et l’empreinte du véhicule – à son utilisation réelle. De plus cela permet de swapper les batteries donc de "tuer" le temps de charge et de limiter les besoins en infrastructures. Cette multiplicité des chaînes de traction et des batteries est très efficace même si elle induit une complexité logicielle nouvelle.

En bref, le Vike est un utilitaire urbain polyvalent, ultra abordable, ultra léger et ultra sobre, capable de transporter 1 tonne dans toutes les configurations (fourgon, benne, plateau, réfrigéré, etc.).

Quelle place a la R&D dans votre société et comment est-elle structurée? 

La R&D est évidemment centrale dans notre projet, surtout dans sa dimension « développement » puisque nous cherchons à passer rapidement du concept à l’industrialisation en nous appuyant sur un assemblage de technologies déjà individuellement matures. Les défis hardware et software sont indissociables pour créer un objet performant, sobre et surtout durable dans le temps.

Je chapeaute actuellement cette partie avec l’aide d’ingénieurs externes mais l’objectif est bien sûr de structurer une équipe en interne dès que possible. Nous cherchons des ingénieurs conception mécanique, électrique mais aussi logiciels et des ingénieurs de production pour concevoir la première ligne d’assemblage.

Où en est le projet aujourd'hui ?

Nous sommes dans la phase de mise au point de notre premier prototype. Le véhicule est assemblé, tout l’enjeu est désormais de le faire rouler le plus possible pour confirmer les performances théoriques sur le terrain et pour travailler l’agrément de conduite et l’ergonomie, des sujets clefs qu’on ne peut améliorer qu’en « test & learn ».

Ces tests doivent nous permettre de proposer une nouvelle itération du véhicule, dès l’année prochaine, testable par nos clients en conditions réelles avant d’envisager l’industrialisation.

Quelles sont les prochaines étapes à franchir pour uMotion ?

Notre principal défi est de passer d’un POC à une pre-série d’une vingtaine de véhicules proches de la version de série. Au-delà de la mise au point du produit, les prochaines étapes sont donc de signer des partenariats avec des clients potentiels, de lever des fonds et de recruter progressivement une équipe dimensionnée pour cette phase de développement.

Pourquoi un projet comme Le Vike n'est-il pas porté par un grand constructeur automobile ?

C’est une excellente question. Tout simplement parce que les grands groupes sont face à l’immense défi de l’électrification de leur gamme. Sur un marché B2C, cela implique de travailler les marges dans un double mouvement de premiumisation de l’offre et de standardisation de la production. Les plateformes développées sont donc d’abord taillées pour des SUV à grande autonomie. Elles sont donc lourdes et chères.

A l’inverse, notre modèle repose sur une plateforme dédiée à un usage bien précis, ce qui nous permet de privilégier la légèreté et l’accessibilité économique du produit.

Tony Parker sur le simulateur du Vike au salon Changenow 2023 

Quels sont les partenaires qui vous suivent dans cette aventure entrepreneuriale ?

Le projet suscite beaucoup d’enthousiasme. Nous avons des fondateurs de belles réussites françaises comme Exotec ou Compte Nickel parmi les premiers investisseurs, de grandes entreprises nous ont partagé leur cahier des charges et ouvert leurs entrepôts à l’image de La Poste ou de DHL, et nous avons des équipes qui viennent de startups reconnues de la mobilité comme Gazelle Tech.


Nous pouvons également compter sur l’accompagnement de plusieurs structures d’incubation ou d’accélération et, bien sûr, sur la bienveillance des membres de notre conseil d’administration qui cumulent une belle expérience de l’industrie, de la logistique et de l’influence.

Comment concrètement un Centralien peut-il vous aider sur votre projet ?

On a toujours besoin d’un Centralien ! Nous avons besoin d’ingénieurs de haut niveau dans tous les domaines : des ingénieurs de terrain avec de l’expérience pour fiabiliser le produit mais également des jeunes diplômés dont la créativité ne serait pas déjà bridée par les grands groupes et orientée sur les nouveaux défis environnementaux de la mobilité du futur.

QUESTIONS POUR UN ALUMNI DE CENTRALE  LYON

Le prof de l’ECL qui vous a le plus marqué ?

Plusieurs ! Mais je citerais ici Patrick Serrafero pour son professionnalisme et son engagement sur le long terme auprès des élèves et anciens élèves. C’est lui qui m’avait embarqué dans le Challenge SIA en 2002, challenge qui perdure depuis plus de 20 ans sous le nom d’Ecurie EPSA ! Je bénéficie encore aujourd’hui de ses conseils avisés.


L'activité que vous avez préférée  pratiquer en dehors des cours ?

J’ai adoré la junior entreprise. J’ai pu travailler pendant deux ans avec la direction de la recherche de Renault pour imaginer le futur de l’automobile et je peux vous assurer que les leviers de la décarbonation étaient déjà bien connus à l’époque !

J’ai aussi eu la chance de piger pour Le Progrès, ce qui m’a ouvert les yeux sur la qualité de l’écosystème Eculliens et le rayonnement de l’Ecole dans le monde.

Une courte phrase pour qualifier votre passage à Centrale Lyon ?

Mon passage à l’ECL a été, pour moi, synonyme d’émancipation !

Auteur

Avec 20 ans d’expérience dans l’automobile, Nicolas est un pionnier de la mobilité décarbonée. A partir du 4e rapport du GIEC, il milite au sein de PSA pour des motorisations plus sobres jusqu’à y fonder, en 2015, le département chaîne de traction électrique qu’il développera jusqu’à la sortie de la première gamme électrique de l’histoire du groupe. Il fonde uMotion pour appliquer sa vision de la mobilité du futur à la logistique urbaine.

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