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03 janvier 2020

Antonio Leblanc (ECL E 2016), de l'ECL à une start-up brésilienne spécialisée dans la détection d'incendies de forêts

Franco-Brésilien résidant à Rio, Antonio Leblanc (E2016) a suivi la double formation d'ingénieur en mécanique à L’UFRJ et ingénieur généraliste à l'ECL. Suite à un stage en management des opérations chez Amazon France, il se  réoriente vers l'informatique et collabore à un projet de maintenance prédictive d'équipements industriels au Brésil. Convaincu de la nécessité de s'engager face aux défis écologiques, il travaille aujourd'hui comme ingénieur machine learning et développeur logiciel pour une start-up spécialisée dans la détection d’incendies forestiers.


Technica : Explique-nous comment tu es passé de l'Université de Rio de Janeiro à Centrale Lyon ?
Le groupe des Écoles Centrales possède des accords d'échanges de double diplôme avec plusieurs universités au Brésil, dont l'Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ). Pour postuler il faut avoir fait au minimum 4 semestres d’études, et l'université fait une sélection rigoureuse des candidats sur dossiers. Le critère le plus important est la moyenne générale de l’élève, à laquelle on rajoute un bonus en fonction de son engagement dans des activités comme le tutorat ou un travail de recherche en laboratoire. Les 20 meilleurs élèves sont admis à la prochaine étape : un entretien avec un groupe de 5 représentants de chacune des Écoles Centrales qui fait le tour des universités du pays. Une dizaine d’élèves par université est ainsi retenue pour participer au programme, avant d'être répartie dans les différentes Écoles Centrales.

Quelle formation suivais-tu au Brésil ?
Au Brésil, les études d'ingénieur se déroulent en 5 ans et nous choisissons notre spécialisation dès l’admission à l’université. J'ai suivi le Génie Mécanique. Au long des deux premières années tous les élèves suivent globalement les mêmes cours de tronc commun, ce que nous appelons le “cycle basique”. Les 3 dernières années permettent de se spécialiser dans le domaine choisi, et constituent ce qu’on appelle le “cycle professionnel”.

Pourquoi avoir décidé de suivre une formation d’ingénieur ?
Je n'ai pas l'impression d'avoir choisi de devenir ingénieur. Les choses se sont imposées à moi, comme une vocation. Étant un excellent élève au Lycée, notamment dans les matières scientifiques, c'est une formation prestigieuse qui m'a attiré car elle apporte des compétences dans divers domaines et ouvre de nombreuses portes sur le marché de travail. Ma famille ne m'a pas directement influencé dans mon choix : mes parents travaillent dans le domaine des arts et cinéma, mais tant mon grand-père maternel que mon grand-père paternel étaient ingénieurs, et inconsciemment ça a dû m’influencer. J'ai appris à bricoler avec mon père, et j'ai toujours aimé construire des choses. C'est cette passion pour la construction qui m'a dirigé vers l'ingénierie mécanique, domaine qui me semblait suffisamment généraliste. Cette même passion pour la construction me pousse à vouloir construire un monde meilleur pour demain.

Le fait d'avoir étudié à l'ECL est-il un plus pour une carrière d'ingénieur au Brésil ?
Un diplôme d’une École comme Centrale Lyon est un atout important pour une carrière d’ingénieur au Brésil. Au moment de l’embauche ça nous met en avant, car les recruteurs connaissent la difficulté de sélection pour ce type d’échange, ainsi que la qualité de l’enseignement français. Mais surtout au moment d’exercer son métier : les compétences acquises à Centrale Lyon sont un réel atout. Le fait d’avoir suivi une formation généraliste permet d’être à l’aise quel que soit le projet un peu technique auquel on est confronté. L’ingénieur généraliste possède une excellente capacité d’adaptation, ce qui lui offre encore plus de souplesse pour évoluer dans le domaine qu’il souhaite. Je prends mon exemple : j’ai une formation d’ingénieur en mécanique, mais j’ai pu me réorienter vers l’informatique et réaliser un stage dans la maintenance prédictive pour l'industrie pétrochimique. Le but était de concevoir des modèles de Machine Learning  pour prévoir des pannes dans des équipements industriels. Les connaissances que j’ai acquises à Centrale en Electronique, Automatique et Contrôle de process ont été un atout, notamment par rapport aux autres stagiaires de l’équipe.

Quelle a été ta réaction quand tu es arrivé le premier jour à Centrale Lyon ?
Ma première réaction a été la surprise, et une très agréable surprise. Le bureau international, une association d’élèves de deuxième année, organise une semaine d'accueil pour les étudiants étrangers, avec plusieurs activités d’intégration. Ainsi les premiers jours ont été surtout l’occasion de rencontrer et d’échanger avec des élèves de pays différents. Ce fut très enrichissant.

Qu'est-ce qui t'a le plus surpris en termes de formation par rapport à ce qui tu connaissais au Brésil ?
Par rapport à la formation j’ai beaucoup apprécié le fait d’avoir à réaliser un stage ouvrier. Nous n’avons pas ça au Brésil, et c’est assez rare dans d’autres pays du monde également. Je vois la France comme un pays qui donne de l’importance aux programmes sociaux, on le voit même par la devise “liberté, égalité, fraternité”. C’est donc fondamental que nous, futurs ingénieurs, d'être capables de nous mettre à la place des ouvriers. Pour être un bon chef d’équipe il faut connaître la réalité de ce que vivent nos collègues sur le terrain. De plus, j’ai été surpris par les activités de “l’unité d’enseignement professionnelle”, comme “l’enquête découverte” où nous devons interviewer deux ingénieurs sur leur parcours, ou la visite d’entreprises. Ces activités incitent les élèves à construire un projet professionnel : cela m’a vraiment aidé à faire mûrir mes envies et mes attentes quant à ma future carrière.

Qu'as-tu préféré à Centrale? Et à l'inverse le moins aimé ?
Du point de vue académique les salles de cours, laboratoires et installations sont de haut niveau, et c’est un plaisir d’y étudier. Mais c’est surtout la vie étudiante dans le campus qui a été une des meilleures choses lors de cet échange. C’est incroyable comme ce lieu est vivant avec un grand nombre d'associations étudiantes qui organisent toute sorte d'événements sportifs, artistiques et de loisirs. Ces participations sont formatrices aussi professionnellement, car les étudiants sont amenés à travailler en équipe, à gérer des budgets importants et à prendre des responsabilités. Parmi mes implications dans des activités extra scolaires celle qui m’a le plus marqué fut d’être capitaine et coach de la deuxième équipe de Handball de l’École. J’ai eu l’occasion de mener deux entraînements chaque semaine et de diriger l’équipe lors de nos matchs du championnat universitaire de Lyon : une expérience inoubliable. A l’inverse, c’est difficile de trouver quelque chose que je n’ai pas aimé. Je crois qu'en venant d’un autre pays on peut avoir du mal à s’adapter au système d’examens : au Brésil nous avons deux, voire trois examens par discipline, qui sont étalés tout au long du semestre. On est donc habitués à fournir un travail plus continu et avoir plus de temps entre les différents examens. A Centrale tous les partiels sont concentrés lors de la dernière semaine du semestre, qui devient donc une semaine fatigante et parfois stressante.

Qu'est-ce que ton passage à Centrale Lyon t'a apporté ?
Ce passage à Centrale Lyon est une des meilleures choses qui me soit arrivé dans la vie, et j’ai énormément évolué comme étudiant, que ce soit sur le plan des connaissances, sur le plan professionnel, ou sur le plan humain. En termes de formation, j’ai acquis les compétences d’un ingénieur généraliste et un bagage dans divers domaines de l’ingénierie qui me passionnent. Je n’aurais jamais eu l’occasion d’étudier ces matières dans mon université d'origine. Du point de vue professionnel j’ai eu mon premier contact avec le marché de travail lors des deux expériences de stage :  le stage d’exécution et le stage d’application d’ingénieur. J’ai effectué ce dernier chez Amazon, dans un entrepôt de distribution logistique à Orléans. Ce fut un stage de 6 mois en management des opérations, amélioration continue et optimisation de la supply chain. Enfin, sur le plan personnel j’ai beaucoup évolué et mûri. Le fait de quitter mon pays, sortir de ma zone de confort et vivre seul est une expérience extrêmement bénéfique. J’ai passé d’excellents moments à Centrale et me suis fait plusieurs amis que je garderai pour la vie.

Parle-nous de ton expérience à l'EPSA
L'Ecurie Piston Sport Auto est une association qui a pour objectif de promouvoir les sports mécaniques et l'ingénierie automobile au sein de l’École. Chaque année, nous sommes une trentaine d'élèves à concevoir et réaliser un véhicule de compétition qui participe au “Formula Student”, une compétition internationale étudiante. Pour cela, nous sommes aidés par nos partenaires pédagogiques et par nos sponsors. J’ai participé à la conception mécanique des pièces du châssis permettant la fixation des différents composants du véhicule. C’est un projet où la collaboration est fondamentale, et j’ai eu la chance d’être dans une équipe avec des élèves motivés, guidés par des chefs de projets compétents et engagés. Nous avons participé au “FS ATA 2018”, à Parme en Italie. A travers de nombreuses épreuves statiques et dynamiques, les équipes sont jugées sur leur travail de conception ainsi que sur leur capacité à produire une voiture performante, fiable et pouvant être fabriquée en série à moindre coût. Les voitures pèsent en moyenne entre 180 et 250 kg, et sont capables de passer de 0 à 100 km/h en moins de 4.5 secondes. Nous avions une bonne performance lors de la compétition en 2018 et malgré des problèmes techniques lors d'une épreuve, nous sommes arrivés à la 29º place parmi 52 compétiteurs.

Tu travailles aujourd'hui au Brésil. Peux-tu nous décrire ce que tu fais et la société pour laquelle tu travailles ?
Je travaille depuis octobre dernier chez Sintecsys, une start-up spécialisée dans la détection d’incendies forestiers. Nous installons des tours dotées de caméras de surveillance ayant une portée de 15 km dans les zones forestières qui seront protégées. Les images sont envoyées dans une salle de contrôle et analysées en temps réel par notre logiciel, qui à travers des algorithmes de machine learning détecte automatiquement les foyers d’incendies en moins de 3 minutes. En cas de détection, l’opérateur du logiciel est averti du foyer d’incendie et de ses géo-coordonnées, et peut ainsi contacter la brigade de pompiers. Aujourd’hui je travaille comme Machine Learning Engineer dans la conception des modèles d'analyse d’images pour la détection de fumée, et comme Software Developer dans la création et la maintenance du logiciel.

Comment te vois-tu évoluer professionnellement dans les années à venir ?
Comme beaucoup de mes camarades d’École, je suis soucieux des défis écologiques et sociaux auxquels nous seront confrontés lors des prochaines années. Ainsi je souhaite avant tout consacrer mon temps et mon énergie dans une société qui soit engagée en faveur d'une cause environnementale ou sociale. Récemment je me suis orienté vers le domaine de l’informatique et la programmation, où je souhaite approfondir mes connaissances en réalisant des tâches techniques à court terme. Ensuite j’aimerais assez rapidement me diriger vers des fonctions de management d’équipe dans ce secteur de l’informatique et technologie. L’idée à terme est de lancer ma propre boite un jour, et contribuer positivement à la construction d’un monde plus juste et durable.

Si une entreprise te proposait demain de venir travailler en France, accepterais-tu ?
Actuellement je suis très satisfait du travail que j’effectue et de la boîte où je travaille, qui m’offre d’ailleurs de bonnes perspectives d’évolution dans un secteur passionnant. C’est donc peu probable que je quitte ce poste à court terme. Cependant je considère que dans la vie il faut toujours être ouvert aux opportunités qui peuvent surgir, donc on ne sait jamais...

 

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