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29 avril 2025

Nucléaire : Rencontre avec Pierrick de Boisset (E14) responsable de la performance opérationnelle chez SI-nerGIE (Framatome & Orano)

Dans un environnement industriel à haute technicité comme le nucléaire, l’optimisation des systèmes d'information est un enjeu stratégique. Pierrick de Boisset (E14), responsable de la performance opérationnelle chez SI-nerGIE (Framatome & Orano), revient sur son parcours d’ingénieur et son rôle clé dans la conduite de projets d’excellence opérationnelle. Un témoignage concret de l'amélioration continue et de la transformation digitale au service de l'industrie nucléaire.


Technica : Pouvez-vous nous présenter les activités de SI-nerGIE et votre rôle au sein de ce GIE ?

SI-nerGIE est un groupe d'intérêt économique (GIE) qui agit pour le compte des entreprises Framatome et Orano, acteurs-clés du nucléaire français. Il a pour mission l’exploitation des systèmes d’information de ces deux entreprises. Son administrateur rend compte conjointement aux directeurs respectifs d’Orano et de Framatome chargés de l’exploitation des systèmes d’information, de leur performance et de la transformation digitale.

En son sein, je suis chargé de définir le plan de performance économique, intégré au budget annuel, et la stratégie d’excellence opérationnelle en application des orientations respectives de Framatome et Orano. Ma mission consiste également à piloter la mise en œuvre des objectifs de ces plans tout au long de l’année, et d’en rendre compte à l’administrateur du GIE. J’assure enfin auprès de l’administrateur une mission de coordination du comité de direction du GIE, réunissant les opérations et le pilotage des projets, mais aussi les achats, le service juridique et de gestion des contrats, la cybersécurité, le contrôle de gestion et le service de gestion des ressources humaines.

Technica : Vous avez passé cinq ans chez Wavestone en tant que consultant senior. Qu’est-ce qui vous a motivé à rejoindre SI-nerGIE, et comment s’est opérée la transition du conseil vers l’opérationnel au sein de Framatome et Orano ?

Il faut remonter un peu plus loin. Au cours de mes études, j’ai développé de nombreux centres d’intérêt qui se sont cumulés : ce fut dans un premier temps la chimie et la physique nucléaire, dont je me suis nourri des modèles théoriques et de travaux pratiques en classes préparatoires (option physique-chimie, bien évidemment !) puis à Centrale Lyon où, après avoir suivi le tronc commun, j’avais sélectionné parmi les électifs le cours d’ingénierie nucléaire en 2017 – où nous n’étions qu’une dizaine… Convaincu que le nucléaire restait un atout pour notre pays et notre industrie, malgré les errements du moment, je voulais donc travailler dans le secteur.

En parallèle, j’ai aussi développé un intérêt pour le secteur public. Ayant un temps pensé aux concours administratifs, j’ai préféré suivre mon cursus d’ingénieur. A son terme, Wavestone m’a proposé un poste en conseil auprès du secteur public, que j’ai accepté.

Il y a trois ans, par le réseau que j’entretiens, j’ai eu connaissance du poste que j’occupe actuellement. J’ai saisi l’occasion, et j’ai rejoint en quelques mois Framatome et le secteur nucléaire.

Technica : Quels enseignements ou méthodes issus du conseil utilisez-vous encore aujourd’hui dans votre quotidien ?

Je garderais trois grands enseignements de mon expérience dans le conseil : l’agilité, l’audace et la curiosité !


L’agilité, tout d'abord, m’a appris à comprendre rapidement le contexte spécifique de chaque projet et à adapter les solutions en fonction des besoins uniques des parties prenantes. Cela implique de mobiliser les compétences et les modèles appris dans des missions précédentes, tout en étant attentif aux expertises des collègues et des intervenants externes.


L’audace s’avère également essentielle. Elle pousse à sortir de notre zone de confort pour aller chercher des réponses là où nous ne les attendons pas. Parfois, cela signifie s’aventurer dans des domaines inconnus où l’on aura besoin de l’appui d’experts pour avancer. Cela peut aussi inclure des démarches plus audacieuses, comme solliciter une partie prenante avec qui l’on est moins familier, mais susceptible de fournir des éléments clés pour la réussite du projet.

Quant à la curiosité, elle est le fil conducteur de toutes ces démarches. Elle permet de maintenir une dynamique d’apprentissage constante. La curiosité me pousse à poser les bonnes questions, à chercher de nouvelles perspectives … Quand une mission n’éveille pas ma curiosité, je sais qu’il est temps d’adapter mon approche.

Technica : Quelles sont les missions sur lesquelles vous intervenez  actuellement ?

Actuellement, je travaille sur plusieurs projets stratégiques, chacun jouant un rôle clé dans la transformation et l'optimisation de nos activités. Tout d'abord, la standardisation de nos procédures constitue une étape fondamentale. C’est en unifiant nos méthodes de travail que nous pourrons ensuite entamer leur amélioration. Cela permet de poser des bases solides sur lesquelles nous pourrons bâtir des processus encore plus efficaces et cohérents.

Ensuite, je poursuis le déploiement de notre plan d’excellence opérationnelle destiné à promouvoir auprès des collaborateurs et de leur management la recherche de l’amélioration continue, c’est-à-dire mesurable et pérenne.

Enfin, je m’occupe de l’évolution du cadre des activités informatiques du GIE. Ces activités, historiquement gérées en commun, sont progressivement transférées aux directions informatiques respectives de Framatome et Orano.

Technica : Quelle est la nature des optimisations et des améliorations de performance espérées sur les projets dont vous vous occupez ? Comment mesure-t-on les résultats obtenus ?

Le plan de performance se décompose en quatre sections qui portent respectivement sur les décommissionnements, les investissements, les actions de revente et les optimisations opérationnelles. Toutes ces actions sont à l’initiative des chefs de domaine qui les proposent et les mettent en œuvre une fois chiffrées et intégrées au budget du GIE.

Les résultats, dans le cadre du plan de performance, sont mesurés essentiellement en termes financiers (euros généralement). Cependant, le plan d’excellence opérationnelle qui le complète repose aussi sur des objectifs d’optimisation de charge (jour.homme ou heure.homme), notamment par la fameuse chasse aux gaspillages.

Technica : Comment concrètement intervenez-vous sur ces différents projets ? Avec quels interlocuteurs ?

Sur le plan de performance économique, mon rôle est de coordonner les initiatives et de m’assurer qu’une fois validées, elles arrivent à leur terme. Si elles n’arrivent pas à la cible, le travail est tout aussi intéressant puisque je vais chercher à comprendre l’écart entre la cible et le réel.

Concernant les actions d’excellence opérationnelle, mon rôle est également de piloter les initiatives, mais aussi de coacher les collaborateurs sur les outils qu’ils utilisent. Je m’appuie pour cela sur une importante communauté d’experts et d’ingénieurs d’excellence opérationnelle au sein d’Orano et de Framatome.

Technica : Quels sont les principaux défis que vous rencontrez en tant que responsable de la performance opérationnelle ? Sont-ils davantage techniques, humains, organisationnels ?

Les trois ! D’un point de vue technique, je ne maîtrise pas le domaine de chacun des collaborateurs de SI-nerGIE, et cela n’est pas mon objectif. Cependant, je dois comprendre, et pour cela poser des questions, identifier le contexte et les problématiques. C’est finalement une maïeutique très socratique.

Il faut également aborder les problématiques avec beaucoup d’humilité pour gérer les facteurs humains. Le pire est à mon sens de débarquer sur un projet ou dans une équipe avec quelques idées préconçues à asséner. L’essentiel est d’abord de comprendre le métier de l’opérateur et de lui proposer au fur et à mesure des améliorations à mettre en œuvre.

Enfin, l’aspect organisationnel, s’il représente une problématique moindre, ne doit pas être négligé : je cherche en effet à proposer des bonnes pratiques adaptées et des méthodes pertinentes dans une structure où les équipes sont déjà bien définies, quelquefois mieux que les rôles de chacune et de chaque collaborateur qui les composent, et où l’habitude (le fameux « on a toujours fait comme ça ») prend souvent le pas sur l’amélioration. Il faut savoir l’entendre et surtout, le comprendre.

Technica : Comment vous voyez-vous évoluer dans les années à venir au sein de SI-nerGIE ?

J’aimerais peut-être découvrir d’autres aspects de l’entreprise, plus proche du cœur de métier, et pourquoi pas à l’occasion d’une nouvelle expérience à l’étranger ?

Technica : Quels conseils donneriez-vous à un.e jeune ingénieur.e souhaitant s’orienter vers le pilotage de la performance dans un environnement industriel exigeant comme celui du nucléaire ?

Je lui dirais de ne pas juger une situation à son arrivée avec des idées projetées sans comprendre. 

De toujours mesurer, quantifier l’amélioration.

De viser loin et jalonner court : il ne faut pas hésiter à cibler les étoiles, c’est ainsi qu’on atteint la Lune ! Mais les actions pour y parvenir doivent être simples et précises (porteur, échéance à court terme, résultat attendu).

Enfin, je lui conseillerais d'être exigeant, d’abord vis-à-vis de soi-même !

Questionnaire express

- 3 adjectifs pour qualifier l’élève que vous étiez à Centrale Lyon ?
Discret, curieux, bon camarade

- Un.e camarade de promo avec qui vous traîniez tout le temps ?
Tout le T1, qui se reconnaîtra !

- Votre matière préférée à Centrale Lyon ?
PCM (physique et chimie de la matière) en tronc commun, ingénierie nucléaire en électif, et tous mes cours de spécialités en nanotechnologies et bio-ingénierie

- Celle que vous appréciez le moins ?
Je confesse avoir eu du mal avec les cours d’analyse numérique.

- Ce que vous vouliez faire comme « métier » pendant votre formation à l’ECL ?
Je ne savais pas exactement. L’école d’ingénieur m’a permis d’ouvrir des horizons (je pense notamment à la spécialité métier Gestion des opérations, avec Jean-Paul Piacentino), d’autres restent d’ailleurs à explorer. Je pense que l’école aurait avantage à développer l’offre de partenariats pour diversifier les formations (sciences politiques, lettres, philosophe, histoire), tout en maintenant un socle de formation scientifique solide. A ce titre, le CHELs (collège des hautes études Lyon sciences) fut une excellente initiative de Frank Debouck et de ses collègues directeurs.

- Que penserait l’élève que vous étiez s’il découvrait votre parcours pro jusqu’à aujourd’hui ?
Il serait rassuré sans doute.

Auteur

Diplômé de Centrale Lyon (E14), Pierrick de Boisset a débuté sa carrière chez Wavestone, où il a accompagné plusieurs ministères dans leurs projets de transformation numérique. Après cinq ans de conseil, il rejoint SI-nerGIE (Framatome & Orano) en 2023 comme responsable de la performance opérationnelle, pilotant des projets d'excellence opérationnelle et d’optimisation des systèmes d’information dans le secteur nucléaire.

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