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04 novembre 2022

Enjeux du rapport RTE “Futurs énergétiques 2050” sur l’environnement et la consommation – par Joris Chmielewski (ECL 2013)

RTE (Réseau de Transport d’Electricité) a publié en février 2022 son rapport “Futurs énergétiques 2050”, permettant d’éclairer le débat public sur les scénarios possibles pour atteindre la neutralité carbone en France en 2050. Issus d’une large concertation et de travaux de modélisation, les scénarios et les impacts des différentes options ont été analysés selon quatre volets : technique, économique, environnemental et sociétal.


RTE est le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France, le plus gros d’Europe avec 100 000 km de lignes électriques haute et très haute tension.

Entreprise de service public, RTE a la charge en France d’assurer l’équilibre offre-demande à chaque instant. Dans le cadre de cette mission et de par son positionnement privilégié entre producteurs et consommateurs, l’entreprise est légalement chargée de publier à fréquence régulière un diagnostic sur la sécurité d’approvisionnement d’électricité en France dans les prochaines années.

La dernière édition fut l’occasion de se projeter encore plus loin que les échéances habituelles, en explorant une France ayant atteint la neutralité carbone en 2050. Les équipes de RTE ont donc élaboré six scénarios de mix de production électrique, combinés à trois scénarios de consommation, pour atteindre cet objectif et les ont analysés et combinés dans le rapport “Futurs énergétiques 2050”. L’élaboration de ces scénarios a reposé sur une démarche inédite de concertation, à laquelle ont participé plus de 4000 parties prenantes (entreprises, ONG, organismes d’État ou simplement particuliers), qui ont pu exprimer leur avis et leur expertise sur les hypothèses et les travaux engagés.

De manière à éclairer le débat public, en particulier avant les échéances électorales de 2022, l’étude s’est donné l’ambition de couvrir des thématiques larges sur la signification de l’atteinte de la neutralité carbone pour la société :

  • Une évaluation des coûts totaux de différents scénarios (investissements, combustibles…),
  • Une évaluation environnementale (CO2, ressources en matériaux, impacts paysagers, déchets nucléaires…),
  • Une évaluation des besoins en renforcements des réseaux électriques,
  • Une évaluation des impacts sociétaux,
  • Un focus sur des thématiques spécifiques : l’impact du réchauffement climatique, le rôle de l’hydrogène, le lien avec les transitions énergétiques chez nos voisins européens.

L’atteinte de la neutralité carbone en 2050 est ainsi proposée selon 6 scénarios, regroupés en 2 familles : 3 scénarios adoptent un chemin sans recours à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, 3 autres y renoncent et se dirigent vers des mix électriques “100% énergies renouvelables”. Ces scénarios ont été analysés pour trois niveaux de consommation : un scénario dit « de référence », un scénario de « réindustrialisation profonde » et un scénario de « sobriété », détaillés dans le rapport.

Les principaux messages sont les suivants :

  • Dans tous les scénarios (et même en présence de sobriété prononcée), la consommation d’électricité a vocation à s’accroître fortement.
  • Tous les scénarios, même celui ayant le plus recours au nucléaire, nécessitent un essor drastique des énergies renouvelables (le recours aux éoliennes et aux panneaux solaires est donc indispensable, quelles que soient les décisions politiques sur le nucléaire)
  • Les scénarios présentent un coût maîtrisable pour la collectivité et du même ordre de grandeur, avec un léger avantage pour les scénarios avec nouveau nucléaire. Ce résultat dépend beaucoup du coût de financement pour les investissements. Les coûts du système électrique sont quoiqu’il arrive en nette hausse par rapport à aujourd’hui, néanmoins d’un autre côté le budget des ménages sera en partie allégé puisque les dépenses liées au pétrole ou au gaz fossile disparaîtront.
  • Dans tous les cas de figure, au vu des transformations profondes que requiert l’atteinte de la neutralité carbone, des décisions politiques doivent être entreprises sans plus tarder.
  • Les conclusions sont dépendantes de l’évolution des mix énergétiques chez nos voisins européens.

Enjeux sur la consommation

Les enjeux sur la consommation sont considérables : il s’agit de remplacer d’ici 2050 1000 TWh de consommation d’énergies fossiles (soit plus de 60% de notre consommation d’énergie finale actuelle, tous secteurs confondus). Pour cela, 2 moyens sont explorés : une forte diminution de la consommation d’énergie par des efforts d’efficacité et de sobriété d’une part, et une forte électrification des usages d’autre part, notamment dans les transports et l’industrie (l’électricité représentera en 2050 55% de source d’énergie finale, contre 27% aujourd’hui).

Le scénario « sobriété » explore les conséquences d’une inflexion structurelle des modes de vies sur la consommation d’électricité : par exemple, la hausse du nombre de personnes par ménage (à rebours de la tendance actuelle de la décohabitation), la baisse volontaire de la température de consigne de chauffage résidentiel de 1° d’ici 2050, une organisation de « ville du quart d’heure », une réduction drastique du nombre de véhicules légers, le recours aux circuits courts de consommation…

Enjeux sur l’environnement

Même en intégrant le bilan carbone complet des infrastructures sur l’ensemble de leur cycle de vie, l’électricité en France restera très largement décarbonée et contribuera fortement à l’atteinte de la neutralité carbone en se substituant aux énergies fossiles.

Le développement des énergies renouvelables soulève un enjeu d’occupation de l’espace et de limitation des usages. Il peut s’intensifier sans exercer de pression excessive sur l’artificialisation des sols, mais doit se poursuivre dans chaque territoire en s’attachant à la préservation du cadre de vie.

Cependant, l’économie de la transition énergétique peut générer des tensions sur l’approvisionnement en ressources minérales, particulièrement pour certains métaux, qu’il sera nécessaire  d’anticiper : l’exemple du cuivre, dont l’approvisionnement est aujourd’hui jugé critique du fait d’une demande en forte croissance et de réserves qui pourraient devenir insuffisantes.

L’étude, réalisée entre 2020 et début 2022, a été publiée en février 2022 et sert régulièrement de référence dans le débat public pour discuter des principaux changements qu’implique l’atteinte de neutralité carbone. Le contexte de ces derniers mois (envolée des prix de l’énergie liée à l’inflation et au conflit en Ukraine, interrogations sur l’approvisionnement en gaz, faible disponibilité actuelle du parc nucléaire, effet des canicules…) donne à l’étude une perspective particulière et nous place de façon encore plus prégnante devant les problématiques qui viendront avec la décarbonation (stratégie nationale sur le nucléaire et sur le développement des énergies renouvelables, efforts de sobriété à consentir…).

Auteur

Après mon double diplôme, j’ai travaillé pendant 4 ans à RTE sur les stratégies d’investissement sur le réseau pour accompagner la transition énergétique. J’ai depuis rejoint Coreso à Bruxelles, entreprise coordonnant le réseau électrique à l’échelle européenne

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