Liste des articles
Vue 171 fois
04 mars 2024

Alexis Blanc (ECL 2017) : Ingénieur Bureau d’Étude Mécanique Support en Services chez Safran Aircraft Engines

Lorsque une compagnie aérienne rencontre un problème avec une pièce d’un moteur qui équipe ses avions, il y a de fortes chances pour qu’elle tombe sur quelqu’un comme Alexis Blanc (ECL 2017) pour trouver une solution. Alexis travaille en effet comme ingénieur mécanicien dans le service SAV, également appelé « support en services » pour les turbines basse pression des moteurs LEAP produits par Safran Aircraft Engines. Un poste exigeant et un terrain de jeu idéal pour un jeune ingénieur qui aime autant avoir les mains dans le cambouis que les idées claires pour anticiper, identifier et agir selon les situations et problématiques qu’il rencontre.


Technica : Bonjour Alexis. Peux-tu nous décrire ton poste chez Safran Aircraft Engine et les projets que tu es amené à gérer ?

Pour expliquer mon poste, j’aime prendre l’exemple du concessionnaire automobile. Une fois votre véhicule acheté, dès qu’il y a un problème, vous avez pour réflexe d’aller au garage pour corriger la panne. Un mécanicien inspecte alors la voiture et essaie de la réparer. Cela fonctionne de la même manière avec les compagnies aériennes qui ont acheté un moteur d’avion chez Safran Aircraft Engines : dès qu’elles rencontrent un problème avec le moteur, elles consultent le SAV ou « support en services ». Et j’interviens sur ces problèmes en tant que Ingénieur Bureau d’Étude Mécanique Support en Services : je suis, en quelque sorte, le mécanicien des moteurs d’avion !

 

De manière plus précise, je travaille sur la turbine basse pression du moteur civil LEAP de Safran Aircraft Engines. Le moteur LEAP est le moteur nouvelle génération mis en service pour la première fois en 2016. Mon poste a de multiples facettes. La principale est de répondre aux questions des clients dès qu’ils rencontrent un problème mécanique sur les pièces de la turbine basse pression du moteur : je réalise alors des études mécaniques (calculs par éléments finis pour estimer les contraintes, calculs de durée de vie) afin de statuer sur l’acceptabilité ou non de la pièce et donc, in fine, du moteur.

 

La deuxième facette de mon métier est d’anticiper les éventuels problèmes que pourraient rencontrer les clients en développant des réparations : ces processus sont longs et prennent quelques années, du lancement du sujet en passant par la validation et l’applicabilité techniques réalisées par le Bureau d’Etudes en finissant par l’industrialisation et le déploiement à grande échelle. Enfin, la dernière facette de mon poste porte sur la capitalisation de l’expérience : elle joue un rôle important afin de savoir comment le moteur vieillit en flotte (apparition de problèmes non anticipés en conception par exemple) et est une véritable source d’informations des bonnes pratiques à appliquer et des choses à éviter lors des conceptions des futurs moteurs.

Technica : Tu interviens sur les pièces rotor de la Turbine Basse Pression des moteurs LEAP-1A/-1B/-1C. Quelles sont leurs particularités ? Te réservent-t-elles encore parfois des surprises ?

Une turbine basse pression d’un moteur d’avion est constituée de pièces fixes, appelées pièces stators et des pièces en rotation, appelées pièces rotor. Parmi les pièces rotors, on peut constituer deux groupes : les pièces rotor critiques et les pièces rotor secondaires. Les pièces rotor critiques sont des pièces qui demandent une vigilance particulière auprès des autorités de la sécurité des vols (l’EASA pour l’Europe, la FAA pour les Etats-Unis par exemple) car, en cas de rupture, elles peuvent constituer un danger pour la sécurité du vol et des passagers. A l’inverse, les pièces rotor secondaires peuvent casser lors du fonctionnement du moteur sans pour autant constituer un danger (car elles sont retenues par la structure du moteur, tandis que les pièces rotor critiques ne le sont pas). Je travaille sur les pièces rotor critiques.

 

Comme expliqué, les pièces rotor critiques ne doivent pas rompre en fonctionnement : pour cela, des études approfondies sont réalisées sur ces pièces. Elles sont de deux types : les théoriques, comme le calcul des contraintes mécaniques à l’aide d’un calcul par éléments finis ou le calcul de durée de vie, et les études pratiques, comme des essais sur banc afin de savoir comment la pièce se comporte lors d’événements particuliers (par exemple, lors d’une augmentation soudaine et incontrôlée de la vitesse de rotation du moteur).

 

Le moteur LEAP vole maintenant depuis 8 ans. L’expérience constituée nous renseignent comment évoluent les pièces au cours des premières années de leur vie : on sait quels problèmes peuvent arriver et on sait comment les traiter. C’est d’ailleurs, en partie, grâce à cette expérience qu’on développe des réparations. Le moteur LEAP est un moteur encore jeune : aujourd’hui, on fait face seulement aux problèmes de jeunesse. Au fur et à mesure de l’exploitation de ces moteurs et de leur vieillissement, de nouveaux problèmes auxquels on ne s’attendait pas forcément commencent à apparaître. C’est flagrant depuis 2022 où les moteurs commencent à être révisés (un peu comme un contrôle technique). En après-vente, des analyses de cause racine et des études mécaniques sont alors réalisées : cela fait partie des enjeux stimulants de mon poste !

Technica : Comment les problèmes rencontrés par les clients participent-ils à faire évoluer la qualité des pièces concernées ? Aurais-tu un exemple de « défaut » qui aurait été corrigé grâce à ces retours?

En effet, c’est l’utilisateur qui permet de faire voler un moteur en condition réelle. Et c’est à l’aide des retours de ces clients que, lors des premières années de la mise en service d’un moteur, les pièces peuvent être amenées à évoluer. On appelle cela des changements à la définition. Bien que très courants au début de l’exploitation du moteur, ces changements à la définition interviennent régulièrement tout au long de la vie d’un moteur dans un souci d’augmenter la qualité et la fiabilité de ce dernier et la satisfaction des clients. Sur la turbine basse pression du moteur LEAP, une pièce non critique avait tendance naturellement à se fissurer : cela est dû à l’environnement très chaud dans lequel elle se trouvait. Les nombreux retours clients ont permis aux ingénieurs de comprendre la cinétique d’évolution de la pièce et ont proposé une version sectorisée de celle-ci. Autrement dit, comme la pièce avait tendance à se fissurer, la nouvelle version installée dans les moteurs est prédécoupée. Cette évolution de définition a permis d’améliorer la satisfaction des clients qui aujourd’hui n’ont plus de problèmes avec cette pièce.

 

Au fur et à mesure des retours de clients et des avancées technologiques, les améliorations sur les pièces seront toujours possibles. C’est par ailleurs un des grands intérêts d’un ingénieur BE en support en services : la monotonie n’existe pas, de nouveaux challenges se présentent tous les jours pour améliorer les pièces.

Technica : Tu travailles pour le Département "Support en Services". Quels sont les demandes/problèmes les plus courants que tu es amené à traiter ? A l’inverse, y-a-t-il des demandes qui t’ont surpris ?

Je passe la majorité de mon temps de travail à répondre aux questions des clients. C’est la priorité face aux autres projets sur lesquels je travaille. La plupart du temps, les problèmes remontés sont connus et sont traités rapidement car la solution existe. Je peux citer par exemple une question courante : le manque de peinture d’une pièce rotor critique. En effet, le client remarque une perte de peinture et demande une retouche locale (un peu comme quand la peinture de la voiture s’est écaillée et qu’une petite retouche pour être faite pour cacher). Je fournis alors la procédure à appliquer.

 

Mais, au fur et à mesure des déposes moteurs qui ont lieu dans le cadre de leur révision technique, des nouvelles questions plus ou moins complexes se posent. De nouvelles études doivent être réalisées : elles peuvent durer jusqu’à quelques mois. Parfois, le client peut accepter d’attendre le résultat des études, parfois il ne veut pas attendre et abandonne la question. Le quotidien est rythmé par les questions et la volonté des clients.

 

Il existe des questions qui sortent de l’ordinaire : par exemple, c’est le cas lorsque le client n’arrive pas à mesurer une pièce et qu’il souhaite savoir comment faire. Deux possibilités s’offrent au BE : soit la côte est présente sur le plan de la pièce et la valeur peut être alors communiquée, soit le BE explique comment faire aux clients (quels outils avoir, etc.). Il peut arriver aussi que le client ne comprenne pas la réponse à sa question ou que la réponse ne lui convienne pas : dans de très rares cas, il contacte le BE, chose qu’il n’a pas le droit de faire en temps normal, afin de comprendre le pourquoi du comment. J’ai fait face à cette situation une fois et ce n’est pas un exercice simple : il faut savoir jongler entre savoir quoi dire de façon vulgarisée et savoir où mettre les limites dans l’explication (on ne souhaite pas développer comment fonctionne en détails certaines pièces, par exemple).

Technica : Ton Projet de recherche à la Technical University of Munich reposait sur la prise en compte des pertes dans un modèle par éléments finis de frontière. Qu’est-ce qui t’a intéressé dans ce sujet et comment penses-tu que cela puisse te servir dans ton futur professionnel ?

Plusieurs choses m’ont plu dans ce projet de recherche que j’ai réalisé à l’université technique de Munich. La première a été le fait d’avoir pu travailler dans un des laboratoires acoustiques reconnus par la communauté scientifique : j’ai eu l’occasion de travailler avec une équipe internationale (entre une équipe allemande et une équipe norvégienne) et j’ai pu découvrir de nouvelles cultures, ce qui a été très enrichissant d’un point de vue humain. La deuxième était le sujet en lui-même : je n’avais pas eu l’occasion de développer et de mettre en pratique un code par éléments finis. Cela m’a permis de développer mes connaissances informatiques et en mécanique acoustique. Durant le projet, j’ai même découvert une nouvelle façon d’écrire les matrices obtenues lors de la discrétisation par éléments finis ce qui a permis d’améliorer le temps de calcul. Mon travail a contribué à la rédaction d’un article scientifique publié dans la revue scientifique Journal of Theoretical and Computational Acoustics : cela a été une belle façon de clôturer mon parcours académique et ma formation à l’Ecole Centrale Lyon.

 

Ce projet de recherche est une vraie force dans mon parcours : il m’a appris le calcul par éléments finis. Ces compétences sont très recherchées par les entreprises dans le domaine de la mécanique : elles cherchent des ingénieurs capables de mettre en place un calcul par éléments finis et de le post traiter. Cela me sert d’ailleurs souvent au quotidien quand je dois réaliser des études mécaniques : je suis à l’aise avec les idées théoriques et pratiques. De plus, le projet de recherche m’a appris la rigueur et l’organisation : en effet, comme le projet a duré 6 mois, il a fallu au départ que je planifie ce que j’allais faire et en combien de temps. J’ai appris à me fixer des étapes et à m’y tenir. Aujourd’hui, je suis très autonome et sait comment avancer et alerter quand j’anticipe ou rencontre des points durs. Enfin, le fait d’avoir travaillé dans une équipe internationale a permis, d’une part, d’améliorer mon anglais et, d’autre part, de travailler en équipe, compétences indispensables aujourd’hui pour un ingénieur.

Technica : En parlant d’avenir, comment te vois-tu évoluer professionnellement au sein de Safran Aircraft Engine ?

Safran Aircraft Engines fait partie du groupe Safran. L’avantage d’un tel groupe est l’évolution de carrière : je peux très bien rester dans le domaine des moteurs d’avion ou évoluer vers d’autres entreprises de Safran. Le salarié crée un parcours construit, lui permettant d’évoluer là où il a envie d’être.

 

Pour ma part, après un passage dans un Bureau d’Etudes avec un métier orienté sur la technique, je me vois bien évoluer vers un domaine dont la technique n’est pas le cœur principal du métier : celui du pilotage et de la gestion, que ce soit des projets (en tant que chef de projet avec une application industrielle) ou de personnes (en tant que manager), mais toujours dans le domaine de l’aéronautique.

Auteur

Diplomé de Centrale Lyon et d'un master en aérospatial à la Technical University of Munich, Alexis travaille depuis février 2022 chez Safran Aircraft Engines comme ingénieur mécanique support en services pour les moteurs LEAP basse pression.

A lire

Commentaires

Aucun commentaire

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire. Connectez-vous.