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Elistair
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09 décembre 2020

Les drones filaires d’Elistair à la conquête du marché américain

Située à Dardilly, la startup Elistair lancée en 2014 par deux Centraliens de Lyon, vient de présenter la nouvelle génération de son drone filaire destiné au marché de la surveillance et de la sécurité publique.  L’occasion de discuter avec son co-fondateur et directeur technique, Timothée Penet (ECL2012), qui revient pour Technica sur cette incroyable aventure entrepreneuriale en passe de réussir son rêve américain.


Bonjour Timothée. Vous venez de présenter Orion 2, dernier né des drones filaires que vous développez au sein d’Elistair. Pouvez-vous nous le présenter en quelques lignes ?
Orion 2 est un drone filaire, c’est-à-dire relié à une station d’alimentation au sol via un micro-fil de 100 mètres qui lui permet de rester en vol plus de 24h sans interruption. Une batterie de secours capable de se recharger en vol est également présente et permet au drone d’atterrir de façon autonome en cas de problème d’alimentation. L’appareil qui peut transporter deux kilos de charge utile, est équipé d’une caméra offrant une portée de détection de 10 kilomètres. Toutes les images ainsi captées sont transmises en direct, de façon sécurisée, via la fibre optique présente dans le câble qui relie le drone au sol. Toutes ces caractéristiques font d’Orion 2, une solution efficace pour les problématiques de surveillance en temps réel d’événement ou de site. Un marché en plein essors actuellement.

Revenons quelques années en arrière. Comment est né Elistair et notamment la rencontre avec Guilhem de Marliave (ECL2012), votre associé dans l’aventure ?
Guilhem et moi nous sommes rencontrés sur les bancs de Centrale Lyon pendant les cours d’Espagnol. La première chose qui nous a réunis, c’est que son petit-frère s’appelle Timothée, et le mien Guilhem. Notre amitié est partie de là. Lors d’un stage ouvrier en Zambie, nous avons passé  du temps à discuter de nos envies respectives d’entreprendre. Le déclic est venu lors du stage de fin d’études que Guilhem a effectué dans une société qui opérait des drones dans la région lyonnaise. On a découvert qu’il existait des solutions filaires développées par des sociétés américaines et israéliennes, mais aucune en France. Après une phase de veille techno, on a décidé de se lancer dans la conception d’un système d’alimentation filaire capable de s’adapter à l’ensemble des drones du marché, afin d’augmenter leur autonomie de vol.


Quelles furent les principales difficultés techniques que vous avez du résoudre ?
La première difficulté technique à laquelle nous avons été confrontés était liée au fait que nous souhaitions connecter une large gamme de drones avec des fonctionnements et des auto-pilotes différents. Nous devions concevoir un système suffisamment intelligent pour enrouler le câble sans connaître la position du drone.  

L’autre défi était lié à l’alimentation en puissance du drone en tant que telle. Le drone consomme beaucoup d’énergie par rapport à sa masse en vol. C’est un peu comme les hélicoptères, qui ont des rendements puissance consommée sur masse en vol beaucoup moins intéressants que sur les avions car il leur faut générer leur propre portance. Le challenge a donc consisté à développer un système capable d’alimenter un drone en énergie sans que celui-ci n’augmente trop la masse de l’appareil. Il a fallu trouver un optimum en termes d’augmentation de la tension au niveau du câble et de réduction de la tension au niveau des moteurs des drones qui, pour rappel, fonctionnent en 24 ou 48 volts.

Ce point technique nous a occupés les 3, 4 premières années avant d’aboutir à des performances inégalées en termes de rapport performances/prix. La solution s’est accompagnée d’un brevet que nous avons déposé sur la partie électronique de puissance qui assure la régulation de tension depuis le sol, supprimant ainsi la régulation de tension habituellement embarquée dans le drone. Pour expliquer, nos systèmes compensent les pertes par effet joule au niveau du câble d’alimentation en augmentant la tension de sortie au sol. La tension d’entrée du module de conversion embarqué par le drone est quasi constante. Ce module embarqué divise la tension d’entrée pour sortir une tension d’alimentation du drone constante autour de 24V ou de 48V.  Ce module est à la fois plus léger et plus performant en termes de rendement. Avec cette solution, on gagne entre 20 et 30% d’efficacité.

Comment vous êtes-vous répartis les rôles Guilhem et toi ?
Très vite, les responsabilités ont été clairement définies. Guilhem s’est occupé de la partie commerciale et financière, pendant que j’assurais le développement technique du projet. Une répartition des tâches qui ne nous a pas empêchés d’échanger régulièrement sur l’ensemble des sujets.

Quel rôle a joué l’École pendant la phase de développement de votre projet ?
Nous avons été accueillis par le fablab commun entre l’École Centrale et l’EM Lyon. Cela nous a permis d’itérer un certain nombre points notamment sur la partie enroulement et fonctionnement du système, sans passer par les données de vol de l’autopilote. Nous avons ainsi gagné un temps précieux. Nous avons par la suite été en contact avec Monsieur Vollaire du laboratoire Ampère qui nous a aidés à développer nos solutions d’alimentation.

A quel moment avez-vous décidé de développer l’ensemble de la solution comprenant non seulement le câble mais aussi le drone ?
Dès le départ, nous avions cet objectif en tête. Ce sont les contraintes budgétaires qui nous ont poussés à débuter notre activité en nous concentrant uniquement sur le système d’alimentation par câble. C’est vers 2016-2017 que le développement de la première version d’Orion a vraiment débuté. A l’époque, nous étions face à une contrainte forte liée au temps de vol prolongé que permettaient nos solutions filaires. Les drones du marché sur lesquels venaient se brancher nos câbles n’étaient conçus que pour voler 30 minutes. Au-delà de 3-4 heures, les problèmes de fiabilité, notamment de dérives de capteurs, étaient nombreux. La seule solution pour y remédier était de développer nos propres drones capables de voler 50h sans rencontrer de problèmes techniques.


Derrière chaque success story se cachent des moments plus compliqués. Avez-vous traversé des périodes difficiles depuis le lancement d’Elistair ?
Comme dans tout projet, il y a des phases où tout va bien et d’autres, où vous avez l’impression que  les mauvaises nouvelles s’enchaînent. Je me souviens à nos débuts du crash d’un drone d’un client au cours d’un test, dû entre autre à l’absence de batterie de secours. C’est une situation difficile mais qui nous a poussés à nous poser les bonnes questions et à y répondre rapidement.

L’autonomie des batteries évolue très vite notamment au travers des acteurs de l’industrie automobile. Ne craignez-vous pas que les prochaines innovations remettent en question la pertinence des drones filaires que vous proposez ?
Le virage stratégique pris par Elistair ces dernières années vers la surveillance de site et de personnes s’accompagne du développement de solutions add-on (captation, sécurisation des données…), sur ce marché, les drones ont besoin de voler plusieurs jours. L’évolution à venir de l’autonomie des batteries permettra au mieux de voler 2h. Les piles à combustible vont pousser l’autonomie à 4-5h, là où nos solutions offriront des temps de vol de 50 à 100h.  Il n’y a donc pas de crainte à ce niveau là.


Vos drones ont été utilisés sur plusieurs événements aux États-Unis, notamment lors de la couverture du premier débat de la présidentielle. Que représente le marché américain pour Elistair ?
Le marché américain de la sécurité et de la défense est le plus gros au monde. Elistair a été choisi pour couvrir de nombreux événements sur place comme le dernier Superbowl, ou le premier débat de la présidentielle. Les opportunités sont nombreuses et nous amènent naturellement à renforcer notre présence sur place avec l’ouverture d’un premier bureau à Boston.


Quels sont vos objectifs pour l’année à venir ?
Nous souhaitons continuer de nous développer rapidement, notamment grâce à notre nouvelle offre Orion 2/ Safe-T 2. Ces nouveaux produits vont nous permettre de développer des nouvelles applications et de renforcer notre position de leader sur ce marché. Nous comptons également sur notre présence US pour nous renforcer sur ce marché très dynamique.

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