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02 juillet 2025

Patrice Feilles (97) : Itinéraire d’un Centralien, directeur IT dans le secteur des résidences privées exclusives à Antigua et Barbuda

De ses débuts dans le secteur bancaire en France à son rôle actuel de Senior IT Director aux Caraïbes, Patrice Feilles (97) a su conjuguer tout au long de sa carrière, opportunités professionnelles, ancrage familial et sens de l’adaptation dans des environnements complexes et en constante mutation. Il nous raconte ici son parcours, les défis technologiques propres aux territoires insulaires, et la façon dont les résidences privées de luxe, l’innovation et les contraintes environnementales peuvent cohabiter. 


Technica : Bonjour Patrice. Quel a été votre chemin professionnel après votre diplôme, jusqu’à votre poste actuel ?

Après mon diplôme, j’ai débuté par un CSNE à Bucarest dans le domaine du génie civil (1997-1999), avant de me réorienter vers l’informatique. Une formation en SSII m’a permis d’intégrer le secteur bancaire comme architecte technique, puis chef de projet en architecture IT (1999-2005).
En 2005, j’ai saisi une opportunité d’expatriation à Antigua-et-Barbuda, où j’ai d’abord travaillé comme chef de projet dans les infrastructures réseau et telecom, pour des projets de résidences de luxe et d’installations sportives.
J’ai ensuite été directeur informatique sur une île privée accueillant un hôtel 5 étoiles et des résidences haut de gamme (2009-2024). Depuis 2024, j’occupe un poste similaire au sein du Barbuda Ocean Club, un club résidentiel exclusif. En parallèle, j’interviens depuis 2023 comme consultant en infrastructures et opérations informatiques pour le secteur hôtelier dans les Caraïbes.

Y a-t-il eu un moment décisif ou une rencontre clé qui a orienté votre parcours ?

Oui, plusieurs. Mon goût pour la découverte, éveillé lors de mon CSNE, a largement influencé mon ouverture à l’international. Mais la rencontre avec mon épouse, anglaise d’origine jamaïcaine, dont la famille est enracinée à Antigua, a été un véritable tournant. Nous avons choisi de nous installer sur place pour y fonder une famille. Voir nos enfants s’épanouir dans cet environnement insulaire nous confirme que cette décision atypique a été une chance. Depuis, mon parcours repose sur une adaptation permanente aux opportunités du marché local.

Pouvez-vous nous présenter Jumby Bay Island Company et Barbuda Ocean Club, ainsi que leur positionnement dans le secteur de l’hôtellerie et de l’immobilier ?

Ces deux projets incarnent deux approches distinctes de développement de sites insulaires exceptionnels.

Le Jumby Bay Island fonctionne comme une copropriété de luxe, avec une cinquantaine de villas situées sur une île privée. En 2008, les copropriétaires ont voté l’ajout d’un hôtel, transformant l’ensemble en un resort exclusif.

Le Barbuda Ocean Club, bien que comparable sur le plan géographique, suit un modèle différent. Il s’agit d’un club privé, sans hôtel accessible au public, réservé uniquement aux membres et à leurs invités. Il est développé par Discovery Land Company, qui conçoit à travers le monde des lieux de vie haut de gamme, intégrés à des environnements naturels d’exception.
Les deux projets ont en commun un très grand respect de l’environnement, avec une densité de développement volontairement faible, à l’opposé des standards de certaines chaînes hôtelières de luxe.

Photo aérienne de Jumby Bay Island

Quelles sont vos responsabilités en tant que Senior IT Director dans ce type d’environnement ?

Mon rôle principal est d’adapter l’offre de services IT à des besoins clients de très haut niveau, dans un contexte où les infrastructures locales sont souvent en retard. Un exemple concret : comment offrir une connexion Internet fiable à un client qui souhaite utiliser sa plateforme de trading depuis une plage isolée, alors que les standards télécoms sont en décalage de plusieurs années avec ceux des grandes métropoles ? Cela implique de définir et de piloter des projets stratégiques pour combler ce fossé.
La logistique, qu’il s’agisse de matériel ou de ressources humaines, représente également un défi majeur. Ce qui peut sembler anodin ailleurs devient ici critique, et la gestion des urgences et des imprévus constitue une part importante de mon quotidien.

Quels sont les principaux défis technologiques dans un tel contexte insulaire ?

Au-delà des contraintes techniques, le recrutement est un véritable enjeu. Attirer et retenir des profils qualifiés dans un environnement isolé, où les perspectives professionnelles en dehors de l’entreprise sont limitées, demande des efforts constants. Il faut aussi composer avec les délais d’approvisionnement et la rareté de certains services.

Pouvez-vous nous donner un exemple de projet en cours ?

Nous travaillons actuellement sur l’étude du premier atterrage d’un câble sous-marin en fibre optique à Barbuda. Ce projet est crucial pour l’avenir numérique de l’île. En parallèle, nous déployons un réseau FTTH (Fiber To The Home) pour équiper les résidences du Barbuda Ocean Club, avec des standards comparables à ceux des grandes capitales.

La montée des eaux et les risques climatiques sont-ils une problématique concrète ?

Absolument. Vivre dans une zone cyclonique active impose une préparation rigoureuse. Les plans « ouragan » sont intégrés dès la phase projet, tant pour les infrastructures que pour la gestion des personnes. Grâce aux prévisions météo fiables à 5 jours, les pertes humaines peuvent généralement être évitées, mais les dégâts matériels restent un risque réel. Le risque de tsunami, plus rare mais potentiellement dramatique, est également pris en compte, même si le temps de réaction reste très court (moins de 20 minutes).

Enfin, la montée du niveau des océans est un enjeu de fond. Elle mobilise des discussions au niveau international, notamment dans le cadre du groupe SIDS (Small Island Developing States) des Nations Unies, dont la dernière réunion s’est tenue à Antigua en 2024. En tant que résidents de ces territoires, nous suivons ces débats avec une attention toute particulière.

Questionnaire Express

 

- 3 adjectifs pour qualifier l’élève que vous étiez à Centrale Lyon ?

Difficile à dire, je répondrais plutôt avec les 4 valeurs qui m’animent et me guident depuis longtemps, peut être un produit de mon expérience rugbistique et centralienne, la plus importante étant la première (les 3 autres étant plus des effets secondaires) : Humilité, Decorum, Modestie, Intégrité

 

- Un.e camarade de promo avec qui vous traîniez tout le temps ?

Même si je ne traîne pas tout le temps avec eux compte-tenu des milliers de kilomètres qui nous séparent, je vois régulièrement avec plaisir et anticipation plusieurs membres de l’équipe Challenge 1996 dont je fais partie.

- Votre matière préférée à Centrale Lyon ?

Maths, Rugby

- Celle que vous appréciez le moins ?

Mécanique des fluides.

- Ce que vous vouliez faire comme « métier » pendant votre formation à l’ECL ?

Aucune idée. La formation centralienne permet d’être équipé pour s’adapter à sa carrière sans reconversion et de croire que l’adaptation fait partie d’une carrière (vie ?). Je pense qu’il est important pendant son développement d’avoir une period « worry free » vis-à-vis du futur tout en sachant que l’on se prepare au mieux. C’est la meilleure description que je pourrais donner de mes années Centraliennes.

- Que penserait l’élève que vous étiez s’il découvrait votre parcours pro jusqu’à aujourd’hui ?

L’élève que j’étais n’aurait pas nécessairement choisi un tel parcours mais je pense qu’il aurait peut être accepté la formation centralienne comme un outils supplémentaire pour identifier les opportunités qui se présentent et s’adapter aux situations qu’elles génèrent.

- Un conseil que vous donneriez aux élèves actuellement à Centrale Lyon ?

Avoir confiance dans la formation centralienne et l’adaptabilité et la capacité de pouvoir assimiler une multitude de concepts complexes et nouveaux dans un environnement changeant. Une activité sportive/associative est également capitale pour ne pas oublier que l’humain est l’origine et la finalité de la plupart des projets et changements qui comptent. Personnellement, les valeurs apportées par la pratique du rugby sont omniprésentes lorsque des décisions importantes sont a prendre, accepter qu’il est possible de se tromper puis rebondir.

Auteur

Patrice Feilles (97) a débuté dans le secteur bancaire avant de s’expatrier à Antigua, où il occupe aujourd’hui le poste de Senior IT Director. Spécialiste des infrastructures IT en milieu insulaire, il conjugue innovation technologique, luxe et durabilité dans des projets hôteliers d’exception aux Caraïbes.

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