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17 juin 2025

STEADICAM ET SCENOGRAPHIE MODERNE
RÉINVENTER LESPACE SCÉNIQUE ENTRE ART ETTECHNOLOGIE

Publié par Myriam LE CHANOINE et Curt SCHALLER | N° 630 - Le cinéma 4.0 art & manufacture des rêves numériques

STEADICAM ET SCENOGRAPHIE MODERNE·

RÉINVENTER LESPACE SCÉNIQUE ENTRE ART ETTECHNOLOGIE

Le Steadicam, depuis son invention en 1972 par Garrett Brown, a révolutionné la captation du mouvement en cinéma et spectacle vivant. Plus qu'un simple outil, il incarne une fusion entre technologie et savoir-faire, offrant une fluidité et une immersion inégalées. Face aux nouvelles solutions numériques, son évolution repose sur un équilibre entre innovation et maîtrise de l'opérateur. Car comme le rappelle son inventeur « Le Steadicam est un instrument, il vaut ce que vaut l'opérateur qui le manie».

En 1972, Garrett Brown révolutionne le cinéma en inventant le Steadicam, libérant la caméra des contraintes de stabilité et permettant des mouvements fluides et complexes. De Rocky à Marathon Man, cet outil transforme la mise en scène, offrant une nouvelle approche de la narration visuelle.

 

Stanley Kubrick l'exploite magistralement dans Shining, où la caméra glisse à travers les couloirs de l'hôtel Overlook. Contrairement aux caméras à stabilisateurs électroniques, le Steadicam préserve une impression naturelle et organique, mettant l'expertise du cadreur au service de l'inspiration du réalisateur.

 

Grâce aux avancées technologiques, Alejandro Gonzalez lnarritu et Sam Mendes repoussent les limites de leur art en filmant en plan-séquence Birdman et 1917 Cette approche immersive met en lumière la chorégraphie subtile entre acteurs et cadreur, donnant au tournage une spontanéité proche du spectacle vivant.

 

En prolongeant l'héritage du Steadicam dans la narration immersive, la ciné-danse réinvente la relation entre mouvement et caméra, fusionnant cinéma et spectacle vivant dans une expérience sensorielle inédite.

QUAND LE STEADICAM RÉINVENTE LA CAPTATION DU MOUVEMENT : L'EXEMPLE DE LA CINÉ-DANSE

Théorisée pour la première fois au milieu des années 1940 par Maya Oeren, la ciné-danse se singularise notamment par son hybridité et l'aspiration à fusionner les techniques et les formes esthétiques des deux grands arts du mouvement, la danse et le cinéma, en une véritable « choréalisation ».

Dans Roméo & Juliette, présenté aux Nuits de Fourvière, Benjamin Millepied et Olivier Simola réinventent la captation chorégraphique en intégrant le Steadicam au cœur de la mise en scène. Loin d'être un simple outil technique, il devient un protagoniste mouvant, circulant parmi les danseurs, épousant leur énergie et offrant une perspective cinématographique fluide en temps réel. Le spectateur, immergé dans cette dynamique, vit une expérience sensorielle où la frontière entre performance scénique et langage filmique se dissout.

©EdouardBran e. Myriam Le Chanoine filme, sur les toits du stade de France, La Ville Dansée, une création du Paris Dance Project.

Cette démarche se prolonge dans La Ville Dansée (2024), où la performance quitte les plateaux pour investir l'espace public.  


Le Steadicam y suit les danseurs en plan-séquence à travers la ville, révélant une interaction intime entre les corps, les lieux et les récits urbains. Ce projet met en lumière l'importance du geste du cadreur, capable de capter le souffle du mouvement dans un espace vivant et imprévisible.

 

Dans les recherches développées autour de ce lien organique entre corps et caméra, Myriam Le Chanoine parle de « caméra-acte », « caméra-corps », ou encore de « caméra au cœur », pour désigner une manière de filmer où l'outil devient le prolongement direct de son regard et de son ressenti. Le Steadicam devient ainsi le seul système de stabilisation qui permette de préserver à la fois la précision du cadre, la qualité de l'image et la liberté du mouvement.

 

Dans cette approche sensible, l'image devient un geste, un souffle, une écriture poétique du mouvement - là où la technologie se met au service de l'émotion.

 
Un tel travail artistique d'avant-garde ne saurait être possible sans l'innovation constante, conçue et déployée au service des créateurs et en symbiose avec les opérateurs pour relever les défis physiques et technologiques qu'elle impose

ÉVOLUTION DES SYSTÈMES DE STABILISATION POSITIONNEMENTTECHNIQUE DES NOUVELLES SOLUTIONS

Les premiers systèmes de stabilisation du Steadicam utilisaient un bras articulé et un contrepoids pour compenser les mouvements de l'opérateur, offrant une liberté de mouvement tout en maintenant une stabilité visuelle. Cependant, les limites de ce système apparaissaient lorsque la caméra devenait plus lourde ou que des mouvements plus complexes étaient nécessaires : pour des mouvements rapides ou des configurations de prise de vue dynamiques, un opérateur expérimenté devait maîtriser les subtilités de la stabilisation. performance scénique et langage filmique se dissout.

Les gimbals électroniques (NDLR stabilisateurs éléctroni­ques) comme le Ronin (de DJI) et le MoVI ont introduit des moteurs brushless et des capteurs gyroscopiques pour compenser les mouvements de la caméra de manière   automatisée.

Plus légers et plus compacts, ils restent limités dans des situations exigeant une grande flexibilité : ils ont du mal à gérer des transitions rapides ou des prises de vue complexes dans des environnements instables.

Le ARRI TRINITY 2 dans les bras de Myriam Le Chanoine lors de l'DPEN H0USE Arri France.

L'ARRI TRINITY 2 de la société ARRI a introduit une approche hybride révolutionnaire en combinant stabilisation mécanique traditionnelle et gimbal électronique à cinq axes. Ce système avancé permet une stabilisation dynamique supérieure avec une flexibilité accrue. Contrairement aux gimbals purement électroniques, le TRINITY 2 permet des ajustements en temps réel, notamment grâce à son mécanisme de stabilisation cinétique qui intègre à la fois un système de cardan électronique et un bras articulé. Cela permet de réaliser des mouvements ultra-fluides même avec des caméras lourdes, (jusqu'à 40 kg), tout en offrant des transitions complexes et des angles de prise de vue difficiles à obtenir avec d'autres systèmes.

 

Pour améliorer la précision des mouvements tout en permettant de capturer des scènes dynamiques avec une grande fluidité, le LIDAR (Light Detection and Ranging), une technologie de détection laser permettant de mesurer précisément les distances entre la caméra et les objets dans le cadre, peut être utilisé avec le système TRINITY.

 

Ce système se distingue par sa capacité d'alterner entre stabilisation mécanique et électronique, assurant une adaptabilité optimale lors des tournages complexes, tout en préservant l'intelligence cinématographique et la fluidité du cadre.

 

En  comparaison,  les systèmes précédents, bien qu'efficaces, manquaient de cette capacité hybride et de   la précision accrue permise par le LIDAR, qui optimise la mise au point et révolutionne la gestion des mouvements en temps réel.

Composants du système Trinity 2

STEADICAM : DANSE DES INNOVATIONS TECHNOLOGIQUES ET SOUFFLE DE

LA SENSIBILITÉ AU CADRE

Le Steadicam, utilisé dans le cinéma et le spectacle vivant, repose sur une alchimie entre technologie et talent humain. Si les avancées techniques permettent une stabilisation toujours plus sophistiquée, elles ne sauraient remplacer l'œil ni l'intuition, dont le rôle dépasse largement celui d'un simple technicien.

 

Face à la pression économique, les productions peuvent être tentées d'opter pour des solutions plus accessibles qui, bien que performantes en matière de stabilisation, peinent à reproduire l'intention artistique et la sensibilité organique qu'un Steadicam, manié par un cadreur expérimenté, peut offrir.

 

La fluidité et la dynamique naturelle du mouvement restent indissociables du savoir-faire de l'opérateur, dont la gestuelle et la perception du cadre influencent directement l'émotion transmise à l'image. En immersion totale, il offre une liberté de mouvement qui saisit l'énergie des performances scéniques, chorégraphiques et sportives au plus près de l'action sans en compromettre la narration visuelle.

Dans un contexte de tournage où la rapidité et l'adaptabilité sont cruciales, le Steadicam se distingue par sa capacité de s'installer rapidement ce qui représente également un enjeu économique. La réduction du temps d'ajustement technique permet de répondre plus efficacement à la cadence des productions et d'interagir en temps réel avec les artistes et les réalisateurs.

Dans un contexte de tournage où la rapidité et l'adaptabilité sont cruciales, le Steadicam se distingue par sa capacité de s'installer rapidement ce qui représente également un enjeu économique. La réduction du temps d'ajustement technique permet de répondre plus efficacement à la cadence des productions et d'interagir en temps réel avec les artistes et les réalisateurs.

 

À une époque où la post-production peut parfois gommer les imperfections, au détriment du naturel et de la spontanéité, le Steadicam conserve son rôle unique : celui de garantir l'authenticité du mouvement et l'émotion brute du tournage. Ce sont les opérateurs, par leur virtuosité, qui exploitent tout le potentiel artistique de cet instrument emblématique.

RÉFÉRENCES

[11 https://www.afcinema.com/Curt-0-Schaller-recoit-un-prix­ scientif ique-et-technique-pou r-1e-systeme-de-stabiIisation­ camera-Arri-Tri nity-2.html

 
[21 https://www.fdtimes.com/2021/10/20/dji-ronin-4d/

 

[31 Essais réalisés et cadrés au steadicam par Myriam Le Chanoine chez TSF, recherches sur le travail de Benjamin Millepied.

 

[41 Site de La ville Dansée - https://www. parisdanceproject.org/projet/la-ville-dansee/

 

[51 Chaconne / Benjamin Millepied & Olivier Simola réalisé en 2000, premier film de Danse ensemble -


[61 Making off 1917 et Birdman https://www.youtube.com/watch?v=ypvd2LJCJHg

 

https://www.youtube.com/watch?v=OeZ8rTOISPg

Myriam LE CHANOINE débute sur scène dès l'enfance et se forme à l'Ensatt (Rue Blanche) avant de poursuivre une carrière d'actrice au théâtre et à l'image. Passionnée de danse et de photographie, elle devient cadreuse Steadicam, mêlant regard, corps et émotion dans un même souffle. Sa rencontre avec Benjamin Millepied donne naissance à un langage commun autour du
geste filmé. Les premières images de son documentaire naissent, caméra à la main. En 2024, il l'invite à bâtir l'équipe image de La Ville Dansée.

Curt O. SCHALLER débute sa carrière en tant que cadreur et opérateur Steadicam avant de concevoir ses propres systèmes de stabilisation, dont la série Artemis en 2001. En 2015, il co-développe le Trinity,
premier stabilisateur combinant mécanique et électronique, repris par Arrien 2016. Il est aujourd'hui Product Managerdes stabilisateurs chez Arri. Le 29 Avril 2025 son équipe et lui seront honorés par I' "Academy of Motion Picture Arts and Sciences" en recevant un Oscar, plus précisément un SCIENTIFIC AND ENGINEERING AWARD (ACADEMY PLAQUES).

Auteurs

Myriam LE CHANOINE
Curt SCHALLER

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